Bracelet anti rapprochement : une avancée majeure dans la lutte contre les violences conjugales

En 2019, l’AFP recensait 146 décès liés aux violences conjugales ; En 2020, il les estime pour le moment à 66…

Il était urgent d’agir !

C’est ainsi que le 3 septembre 2019, l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, a organisé le Grenelle des violences conjugales qui s’est terminé le 25 Novembre 2019.

L’objectif de ce Grenelle était de réunir tous les acteurs concernés par la lutte contre les violences faites aux femmes afin de la renforcer ainsi que de développer de nouveaux outils pédagogiques pour lutter contre ces violences.

Le premier des outils à citer est la « roue des violences » qui référence de façon claire des exemples concrets de violences physiques, psychologiques, sexuelles et économiques avec, pour chacune de ces catégories de violences, une progression dans les actes commis.

Le second outil majeur et attendu de ce Grenelle était le bracelet anti-rapprochement, (« BAR »).

Réclamé depuis des années dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales, ce bracelet a pour but de prévenir lorsque son porteur et auteur de ces violences se rapproche trop près de sa victime.

Si cette lutte représente un combat qui ne cesse d’être mené depuis des années, la période de confinement et le fait que les victimes de ces violences aient été contraintes de rester enfermées avec leur bourreau, a rendu cette lutte urgente, voire vitale.

C’est donc pour répondre à cette urgence que jeudi 24 Septembre 2020, le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, a commencé son mandat en s’attelant à ce dossier délicat et a lancé officiellement ce dispositif, présenté comme « une avancée fondamentale pour la protection des victimes ».

Le décret n°2020-1161 en date du 23 Septembre 2020 a donc été publié au Journal officiel le 24 Septembre dernier.

Quel est son mode de fonctionnement et dans quel cas ce bracelet est-il mise en œuvre ?

Le port de ce bracelet peut être prononcé dans les deux cadres procéduraux précédents :

• Dans le cadre d'une procédure pénale, par ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention pour accompagner un contrôle judiciaire et en tant que condamnation, cette fois prononcée par les juridictions correctionnelles ;

• Dans le cadre d’une procédure civile devant le Juge aux Affaires familiales, lorsque ce dernier rend une ordonnance de protection de la victime (articles 1136-16 à 1136-23 du Code de procédure civile).

Il s’agit d’un dispositif ressemblant à un bracelet électronique ou encore à une montre connectée qui est équipé d’une technologie GPS.

« Une communication est établie entre le système d’information et chacun des appareils déployés, via le réseau privé et sécurisé interne à la justice. Il n’y a pas d’accès à Internet » précisait Isabelle Rome, haute fonctionnaire à l'égalité femmes-homme.

De son côté, la victime est équipée d'un boîtier, qu'elle devra toujours garder sur elle, et qui lui permet d'être également géolocalisée.

Dès que le porteur du bracelet s’approche franchit le périmètre défini, il reçoit une alerte lui demandant de s’éloigner. S’il ignore ce premier signal, en restant dans la zone interdite, un centre de contrôle du dispositif est immédiatement prévenu. C'est lui qui joindra ensuite les forces de l'ordre qui interviendront.

Ce dispositif va commencer à être mis en œuvre dans cinq juridictions (Angoulême, Bobigny, Douai, Pontoise et Aix-en-Provence) à partir de vendredi 25 septembre 2020 avant d’être généralisé à l’ensemble du territoire à horizon 31 Décembre 2020.

Quelles sont les difficultés de mise en œuvre et critiques pouvant être formulées ?

En premier lieu, il faut souligner la réalisation de la promesse faite lors du Grenelle de 2019 sur un sujet si sensible.

Ensuite, il faut indiquer que le décret offre une véritable protection des victimes de violences conjugales dans la mesure où tout a été prévu pour :

• Que la mise en place de ce dispositif soit prononcée dans tous les cas, civils, ou pénaux, dans lesquelles une personne est victime de violences de la part de son conjoint,

• Que le porteur de ce bracelet ne puisse pas refuser de le porter tant ce refus sera accompagné de sanctions relatives directement à sa liberté d’aller et venir ;

• Que la gestion des données personnelles, inévitables avec le boitier intégré, soit sécurisée (la CNIL a en effet rendu un avis positif au sujet de ce dispositif).

En Europe, ce dispositif a fait ses preuves.

En effet, en Espagne, il est applicable depuis douze ans et aucune femme porteuse d’une balise n’a été tuée par son ex-compagnon depuis sa mise en place en 2008.

Il est à espérer que cette réforme rentrera véritablement dans la pratique des magistrats qui auront alors à leur disposition de nombreuses peines pour faire cesser ces infractions.