Divorce et pension alimentaire entre époux : les précisions du Ministre de la Justice

Dans le cadre des divorces, et a fortiori à l’heure actuelle, la question cruciale et centrale, parfois évoquée avant la fixation de la résidence des enfants mineurs du couple, est celle des finances ou encore comment éviter que le divorce ne crée une trop grande disparité entre les revenus de chacun des époux.

Dans le langage commun, la « prestation compensatoire » est alors évoquée, effrayant parfois celui qui risque d’en subir le paiement.

En réalité, le droit est tout autre et fixe des règles ayant pour but la protection de l’un comme de l’autre des époux et la création d’un équilibre malgré la décision de séparation prise.

En premier lieu, il faut être rigoureux dans les termes employés :

• Dès la saisine du juge aux affaires familiales par voie de requête et jusqu’au jugement de divorce, il ne faut pas parler de prestation compensatoire mais de « pension alimentaire due au titre du devoir de secours » ;

• Ce n’est que dans le cadre du jugement de divorce, fixant les relations financières des époux pour l’avenir qu’il convient de parler de prestation compensatoire.

Il convient par ailleurs de préciser que l’octroi d’une pension alimentaire dans le cadre des mesures provisoires n’engendre pas automatiquement la fixation d’une prestation compensatoire une fois le divorce prononcé.

En second lieu, Magistrats et Avocats se retrouvent parfois confrontés à la problématique du calcul ainsi que de l’évaluation de cette pension.

La difficulté existe d’autant plus que le Code civil, par son article 271, dresse une liste parfaitement claire des critères à prendre en considération pour le calcul de la prestation compensatoire éventuellement due par l’un des époux (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=F26583DF7A4B3C4D84791351DC04E5A4.tplgfr33s_3?idArticle=LEGIARTI000006423952&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20060405).

Cependant aucun article de ce Code n’existe pour la pension alimentaire due au titre du devoir de secours.

Seul l’article 255 6° du Code civil prévoit qu’au titre des mesures provisoires :

« Le juge peut notamment :

[…]

6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ».

Il appartient alors aux parties, par le biais de leur Conseil, de soumettre au Magistrat l’ensemble de critères arguant ou non en faveur du versement d’une pension alimentaire.

La jurisprudence exige alors la démonstration à la fois de l’état de besoin dans lequel se trouverait l’un des époux consécutivement à la séparation, mais également que l’autre des époux ait les moyens suffisants pour le versement d’une telle somme.

Si la preuve des revenus d’une personne ne s’avère pas problématique, la difficulté réside en revanche dans la preuve de cet « état de besoin ».

S’agissant d’une question centrale dans les dossiers de divorce, elle a alors été posée par un député au ministère de la Justice.

Dans sa réponse publiée le 16 juin 2020, ce dernier est alors venu préciser les critères qui seront étudiés par le juge aux affaires familiales pour fixer le montant de la pension alimentaire au titre du devoir de secours.

Parmi ceux-ci, le Magistrat devra apprécier le niveau d'existence auquel l'époux créancier peut prétendre en raison des facultés de son conjoint.

Le Ministre rappelle en effet que la pension alimentaire au titre du devoir de secours n’a pas pour seule vocation de répondre à l'état de besoin de l'époux qui serait dans l'impossibilité d'assurer sa subsistance par son travail ou les revenus de ses biens.

Elle doit surtout avoir pour finalité de tendre, compte tenu de la multiplication des charges fixes incompressibles et des frais induits par la séparation, au maintien d'un niveau de vie aussi proche que possible de celui du temps de la vie commune. Elle a ainsi vocation à assurer un certain équilibre entre les trains de vie de chacun des époux pendant la durée de la procédure de divorce.

A l’heure actuelle il est donc possible de regretter que le législateur ne soit pas intervenu pour fixer, à l’instar de ce qui existe pour la prestation compensatoire, des critères objectifs pour évaluer au plus juste le montant de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours.

Et ceux d’autant plus que la période qui sépare la saisine du Juge par voie de requête et le jugement de divorce peut s’avérer longue de plusieurs années, obligeant ainsi que le débiteur de la pension à la verser à son ex conjoint.

L’appréciation du montant de cette pension au plus proche des besoins et capacités financières de chacun est donc primordiale.