Devant le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions : pas d'indemnisation si pas de preuve d'une infraction terroriste

Après une saga judiciaire s’étant tenue tant devant les juridictions du premier degré que les juridictions d’appel, la Cour de cassation tranche enfin le débat relatif à la preuve nécessaire de l’infraction terroriste pour permettre à la victime de percevoir une provision complémentaire à valoir sur son préjudice.

Les faits sont les suivants : le 9 janvier 2015, un homme prend en otage des clients du magasin HYPER CASH situé porte de VINCENNES à PARIS, et tue quatre autres personnes avant d’être abattu par les forces de l’ordre lorsqu’elles ont donné l’assaut.

Suite à ces faits, une femme a été inscrite sur la liste unique des victimes d’actes de terrorisme établie par le procureur de la République. Après avoir reçu des premières sommes provisionnelles du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (« FGTI »), elle décide d’assigner ce dernier devant le juge des référés aux fins d’expertise ainsi qu’en paiement d’une provision supplémentaire à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices psychologique et professionnel.

Par un arrêt de cassation partiel en date du 8 février 2018 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036635566&fastReqId=545678735&fastPos=1), la Cour de cassation rappelle que l’inscription d’une victime sur la liste unique des victimes d'actes de terrorisme établie par le parquet du tribunal de grande instance de Paris pouvait parfaitement être contestée par le FGTI.

En d’autres termes, l’inscription sur cette liste n’emporte pas, de façon incontestable, la preuve de la qualité de victime d’une infraction terroriste.

La Cour de cassation renvoie donc les parties devant la cour d’appel de PARIS et casse l’arrêt déféré mais seulement :

« En ce qu'il condamne le FGTI à verser à Mme Z… la somme provisionnelle de 15 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice psychologique ».

La procédure suit donc son cours devant la Cour d’appel de PARIS puis de nouveau devant la Cour de cassation qui rend alors, le 20 Mai dernier, un arrêt tranchant les débats de façon non équivoque.

La Cour de cassation procède donc par étapes et de manière pédagogique pour juger que le versement, au profit de la victime, d’une indemnité provisionnelle complémentaire est soumis à la démonstration préalable que cette victime a subi un acte de terrorisme au sens du Code pénal.

La Cour d’appel rappelle que l’attentat constitue un acte de terrorisme au regard des articles L. 126-1 du Code des assurances et 421-1 du Code pénal et qu’il incombe donc à l’intéressée de « faire la preuve qu’elle est victime de cet attentat ».

Les juges du second degré décident que :

- La victime a démontré s’être trouvée dans la zone de danger au moment de l’attentat ; - Cet acte lui a causé, en lien direct, certain et exclusif, un traumatisme psychologique « d’une exceptionnelle intensité », constaté par expert judiciaire.

La Cour d’appel en conclut donc que « La décision en déduit que la demanderesse a été, avec l’évidence requise en référé, victime de l’attentat, sans qu’il soit besoin que la juridiction précise la nature et les éléments matériels de l’infraction qu’elle retient comme ayant été commise au préjudice de cette victime, contrairement à ce que le FGTI demande ».

Le FGTI forme un pourvoi en cassation. Il reproche à l’arrêt de l’avoir condamné à payer à la victime une indemnité provisionnelle complémentaire sans que la victime ait « à préciser la nature et les éléments matériels de l’infraction terroriste qu’elle retenait comme ayant été commise à son encontre, quand il lui appartenait au contraire, pour caractériser l’existence d’une obligation non sérieusement contestable justifiant l’allocation d’une provision, de motiver tout spécialement sa décision de ce chef ».

Au sein de son arrêt du 20 mai 2020, la Cour de cassation rappelle d’abord que les articles L. 126-1 et L. 422-1 du Code des assurances disposent que la réparation intégrale des dommages subis par les victimes d’infractions constitutives d’actes de terrorisme, prévus par l’article 421-1 du Code pénal, est « assurée par l’intermédiaire du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme ».

Elle précise ensuite la nécessité pour la cour d’appel de caractériser une infraction constitutive d’un acte de terrorisme « ouvrant droit de manière non sérieusement contestable à l’indemnisation sollicitée du FGTI ».

Pour rappel, dans un arrêt du 17 octobre 1995 (Cass. 1ère civ., 17 oct. 1995, n° 93-14.837), la Cour de cassation a défini l’acte de terrorisme comme une infraction en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

En l’espèce, la Cour de cassation juge qu’en l’espèce, la condition n’était pas remplie dès lors que la caractérisation de l’infraction constitutive d’un acte terroriste n’est pas rapportée : la Cour casse et annule donc l’arrêt mais seulement sur l’indemnité provisionnelle complémentaire.

Cet arrêt vient combler les lacunes de la loi et s’inscrit dans ce qu’avait souhaité le législateur. Certes, le code des assurances se tait sur les contours exacts de la notion d’acte de terrorisme. Mais sur ce point, il est possible de citer Mr J. KNETSCH :

« Le silence des textes relatifs aux dommages corporels ne doit cependant pas être sur interprété. A en croire les travaux préparatoires de la loi du 9 septembre 1986, il s’agirait d’un simple oubli législatif les parlementaires ayant fait état de leur volonté de faire de l’acte de terrorisme une notion non pas à géométrie variable, mais unitaire. Dès lors, les « actes de terrorisme » visés par l’article L. 126-1 du Code des assurances doivent être déterminés par références au droit pénal ».

En conclusion, la décision de la Cour de cassation s’avère particulièrement précieuse surtout en ces temps où ces formes de délinquances sont malheureusement fréquentes.