La controverse sur le projet d’un jury populaire en correctionnelle

Présenté en conseil des ministres le 13 avril par le ministre de la Justice et des Libertés, le projet de loi sur l’instauration d’un jury populaire (deux assesseurs) pour certains délits opposent une fois de plus les magistrats de l’ordre judiciaire à la volonté politique. Le projet sera examiné par l’Assemblée nationale et le Sénat avant l’été. Il est envisagé que cette instauration soit mise en place à titre d’essai en 2012 dans deux tribunaux. Le jury populaire composé de deux citoyens assesseurs des magistrats ne serait mis en œuvre que dans les affaires les plus graves : agression sexuelle, vol avec violence, extorsion, homicide involontaire, certaines dégradations.

Cette idée a été impulsée par le ministre de l’Intérieur et le Président de la République courant novembre afin de démocratiser la justice. Ce projet mérite qu’on s’attarde sur ses enjeux et sur les problématiques qu’il soulève.

En effet, l’instauration d’un jury populaire pour certains procès en correctionnelle ne répond pas aujourd’hui à des difficultés dans le jugement de certains délits mais plus à une remise en cause du système judiciaire actuel. Ce système à venir pourrait engendrer au moins deux difficultés.

La première concerne la durée de ces procédures. Le fait de convoquer à des audiences des jurés, celui de leur permettre au cours d’audience de poser des questions au même titre que les magistrats, comme cela se passe actuellement en Cour d’assises, va allonger considérablement la durée d’un procès. De plus, la rédaction actuelle des jugements s’effectue lors des délibérés par les magistrats. Avec un éventuel jury populaire, les délibérés ne seraient consacrés qu’à la décision de culpabilité ou non du prévenu et à la peine qui en découle. Les magistrats seraient contraints de rédiger le jugement après le délibéré ce qui prolongerait la durée des procédures et chargerait les magistrats d’un travail qu’ils effectuent aujourd’hui lors de l’audience. La durée excessive du procès en France reprochée parfois par la Cour européenne des droits de l’homme, engendrant la condamnation de la France pour défaut de « délai raisonnable » du procès, risque ici d’être aggravée.

La seconde a trait au coût de ce système qui amenuiserait sans doute le budget de la chancellerie sachant qu’il faudrait rémunérer deux jurés à chaque procès correctionnel concerné. De plus, rien n’est indiqué sur l’appel éventuel interjeté par les parties qui ne seraient pas d’accord avec le jugement. Un nouveau jury devrait-il être réuni comme cela se passe actuellement pour la Cour d’assises ? La réponse se doit évidemment d’être positive puisque la Cour d’appel jugeant en fait et en droit recommence inévitablement tout le procès de première instance. La « même chance » d’être jugée par un jury populaire devrait pouvoir être garantie aux parties. Cela suppose de convoquer un nouveau jury en appel créant des coûts supplémentaires et une durée allongée de la procédure.