Gestation pour autrui et intérêt de l’enfant : 3 arrêts de la Cour de cassation du 6 avril 2011

Au regard des dispositions des articles 6 et 1128 du code civil, on a tout d’abord appliqué au corps humain, un principe de non patrimonialité. N’étant pas dans le commerce, comme les objets contrefaits ou la drogue, le corps humain ou les produits en découlant ne pouvait pas faire l’objet de convention, que ce soit à titre gratuit ou onéreux. Puis la jurisprudence et le législateur avec les lois bioéthiques de 1994 ont substitué à ce principe, celui d’indisponibilité du corps humain. Les conventions à titre gratuit, comme les dons, pouvaient avoir pour objet le corps humain. Une dissociation est aujourd’hui établie entre le corps humain en lui-même qui ne peut toujours pas faire l’objet de convention et les produits qui peuvent être détachés de celui-ci et qui eux peuvent être donnés ou vendus. A partir du moment où l’on peut séparer des éléments de ce corps humain, des conventions sont envisageables : tel est le cas pour les ongles. En revanche, toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est demeure interdite. C’est dans cette optique qu’il est prévu dans l’article 16-7 du code civil que « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». Reconnue légale dans d’autres législations, comme celle des Etats-Unis, la gestation pour autrui qui consiste à implanter dans l’utérus d’une mère porteuse les embryons d’un couple qui est victime d’infertilité, est de plus en plus pratiquée par des couples français qui se rendent à l’étranger. Titulaire pour les enfants nés de cette pratique d’une filiation établie aux Etats-Unis, les parents souhaitent la transcription sur le registre d’état civil de celle-ci. C’est l’objet de ces trois arrêts de la cour du cassation du 6 avril 2011 qui refuse la transcription sur le registre de l’état civil français de la filiation établie suite à une gestation pour autrui aux Etats-Unis. Les faits sont simples : un couple se rend aux Etats-Unis et recourt à une gestation pour autrui. De celle-ci, nées deux filles. De retour en France, les parents obtiennent la transcription sur le registre d’état civil français de la filiation établie à l’étranger. Le procureur de la République demandant l’annulation de la transcription, les époux ont formé un pourvoi en cassation au motif que cette décision violait l’intérêt de l’enfant garanti par la convention de New York de 1989 et que le respect de la vie privée et familiale posé à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme avait été bafoué. La Cour de cassation a refusé la transcription sur l’état civil français de la filiation des enfants établie aux Etats-Unis au motif qu’au regard du principe d’indisponibilité du corps humain, une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui est nulle en France. De plus, elle constate que l’article 8 de la CEDH mais aussi la convention de New York sur les droits de l’enfant ne sont pas violés puisque les enfants ont une filiation établie dans un Etat et qu’ils peuvent vivre avec leurs parents. Par ces décisions, la Cour de cassation a mis un terme à cette pratique en refusant de donner un effet juridique à une convention qui en France est interdite. Cette solution résulte de l’application du principe d’indisponibilité du corps humain en droit français.