Clause attributive de compétence dans l’Union doit respecter un haut degré de prévisibilité

Une société civile immobilière ayant son siège en France assigne une banque luxembourgeoise pour manquement à son obligation de conseil, devant un juge français. La banque soulève une exception d’incompétence au motif que le contrat de prêt contient une clause attributive de juridiction à une juridiction luxembourgeoise.

Cette clause stipulait que les contestations devaient être soumises à cette juridiction mais précisait que la banque se réservait la faculté de déroger à cette attribution de juridiction si elle le considérait opportun.

L’exception d’incompétence fut accueillie par la cour d’appel. Sa décision est cassée par la Cour de cassation en ces termes : « Attendu que, pour accueillir l'exception d'incompétence, après avoir rappelé que la clause attributive de compétence stipule que « chaque fois que les lois françaises le permettent, les contestations au sujet des présentes sont soumises au tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg. Toutefois, la banque se réserve la faculté de déroger à cette attribution de juridiction si elle le considère comme opportun », l'arrêt retient que la circonstance qu'une seule des parties, en l'occurrence la banque, se soit réservé la faculté de déroger à l'attribution de juridiction prévue par le contrat ne saurait conférer à la clause attributive de juridiction un caractère potestatif excluant sa prise en compte, dès lors que la banque, si elle renonçait à l'application de cette clause, ne pouvait que se référer aux dispositions de l'article 5.1 du règlement n° 44-2001 qui s'imposent lorsqu'une partie écarte la juridiction choisie par les parties, ce qui répond à l'objectif de prévisibilité ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la clause litigieuse ne contenait aucun renvoi à une règle de compétence en vigueur dans un Etat membre ni aucun élément objectif suffisamment précis pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie, de sorte qu'elle ne répondait pas à l'objectif de prévisibilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sa décision est cassée par la Cour de cassation car les juges du fond avaient constaté que la clause litigieuse ne contenait aucun renvoi à une règle de compétence en vigueur dans un État membre ni aucun élément objectif suffisamment précis pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie, ce dont il y avait lieu de déduire qu’elle ne répondait pas à l’objectif de prévisibilité énoncé par le considérant 11 du règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000 qui énonce que « les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité ».

Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 17-21.309 La Cour prend soin de donner à son arrêt un aspect pédagogique marqué, en synthétisant le régime juridique de la clause attributive de juridiction dans le cadre du règlement. En définitive, il en ressort qu’une clause attributive de juridiction relevant du règlement Bruxelles I qui ne désigne pas explicitement la juridiction compétente n’est pas valable si elle ne contient aucun renvoi à une règle de compétence en vigueur ni aucun élément objectif suffisamment précis pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie.