Décision du Conseil constitutionnel : pas d'obligation de réviser la Constitution à la suite de l’Accord économique et commercial global entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part

(Cons. const., 31 juill. 2017, n° 2017-749 DC) L'accord économique et commercial global entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part, a été signé le 30 octobre 2016. Il a été approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017. Le Conseil constitutionnel est saisi afin d'apprécier si cet accord comporte une clause contraire à la Constitution. Les députés requérants soutiennent que l'accord introduit des règles contraignantes pour l'élaboration des normes de droit interne dans une mesure qui affecte les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Ils contestent également la constitutionnalité des stipulations de la section F du chapitre 8 de l'accord relatif à l'investissement et font valoir que l'accord méconnaît le principe de précaution énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement. Ils estiment enfin que les stipulations relatives à l'application provisoire de l'accord et à sa dénonciation sont contraires à la Constitution. Le Conseil considère que l'accord est mixte, l'essentiel des matières qu'il couvre relève d'une compétence exclusive de l'Union européenne, qui résulte de transferts de compétences déjà opérés par des traités antérieurement souscrits par la France. Certains des aspects de l'accord relèvent toutefois d'une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres. Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur deux aspects de l'accord : - le mécanisme de règlement des différends en matière d'investissements et - le principe de précaution. 1/ Le mécanisme de règlement des différends en matière d'investissements En ce qui concerne le tribunal institué pour régler les différends entre les investisseurs et les États, le Conseil constitutionnel a analysé les compétences qui lui sont attribuées. Le tribunal se caractérise par les éléments suivants : - le chapitre de l'accord qui crée le tribunal a pour objet de contribuer à la protection des investissements réalisés dans les États parties ; - le champ d'application du mécanisme de règlement des différends est délimité par les stipulations de l'accord ; - les pouvoirs attribués au tribunal sont limités au versement de dommages pécuniaires et à la restitution de biens. Le tribunal ne peut ni interpréter ni annuler des décisions prises par les États ; - le tribunal comprend autant de membres désignés par l'Union européenne que par le Canada. Les membres désignés par l'Union européenne le sont par un comité mixte composé paritairement entre l'Union européenne et le Canada qui se prononce par consentement mutuel. En outre, la position de l'Union européenne en la matière doit être fixée d'un commun accord avec les États membres ; - les membres du tribunal et du tribunal d'appel doivent répondre à des exigences de qualification ; - tout différend peut être porté, le cas échéant, devant le juge national et des mécanismes sont prévus pour éviter les conflits ou les divergences entre le tribunal institué par l'accord et les juridictions de droit interne. Le Conseil a ainsi admis que l'accord ne méconnaît pas les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

2/Le principe de précaution En ce qui concerne le principe de précaution, le Conseil estime que les stipulations de l'accord sont propres à garantir le respect du principe de précaution issu de l'article 5 de la Charte de l'environnement. Il s'est notamment fondé sur le 2 de l'article 24.8 de l'accord qui stipule : « Les parties reconnaissent que, en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne sert pas de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures économiquement efficaces visant à prévenir la dégradation de l'environnement ». Ces stipulations autorisent les parties à prendre des mesures économiquement efficaces visant à prévenir la dégradation de l'environnement en cas de risque de dommages graves ou irréversibles. En outre, l'instrument interprétatif commun de l'accord précise que les parties sont tenues d'assurer et d'encourager des niveaux élevés de protection de l'environnement.

En définitive, l'accord économique et commercial global entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part, ne comporte pas de clause contraire à la Constitution Autrement dit, le Conseil constitutionnel a jugé que cet accord n'implique pas de révision de la Constitution.