Application du plafond légal des délais de paiement dans un contexte international

A l’heure où les entreprises quelque soit leur taille, sont amenées à sans cesse augmenter leurs relations commerciales à l’étranger, il convient d’avoir à l’esprit l’avis rendu par la Commission d'examen des pratiques commerciales.

En effet, cette Commission a publié le 24 juin 2016 son avis n° 16-12 du 16 juin 2016 portant sur l'application du plafond légal des délais de paiement dans un contexte international. Les contrats de vente internationale de marchandises relevant de la convention de Vienne du 11 avril 1980 ne sont pas soumis au plafond des délais de paiement prévu par l' article L. 441-6, I, alinéa 9 du Code de commerce.

L’objectif poursuivi est que les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l'égard du créancier. L’avis est reproduit sous forme d’extraits :

« Avis n°16-12 …… Les contrats de vente internationale de marchandises relevant de la convention de Vienne du 11 avril 1980 ne sont pas soumis au plafond des délais de paiement prévu par l’article L. 441-6 I alinéa 9 du code de commerce. Par l’application combinée de la convention, des principes généraux dont elle s’inspire et de la directive n°2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal, compte tenu de la nature du produit.

….. La convention de Vienne prévoit en effet que « Si l’acheteur n’est pas tenu de payer le prix à un autre moment déterminé il doit le payer lorsque, conformément au contrat et à la présente Convention, le vendeur met à sa disposition soit les marchandises, soit les documents représentatifs des marchandises » (article 58) et que « L’acheteur doit payer le prix à la date fixée au contrat ou résultant du contrat et de la présente Convention, sans qu’il soit besoin d’aucune demande ou autre formalité du vendeur » (article 59).

…. L’article L.441-6 I alinéa 9 du Code de commerce issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 et modifié par la loi n°2015-990 du 6 août 2015 impose pour sa part, sous peine de sanctions administratives prononcées par la DGCCRF sous forme d’amende, que « Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier ». Ces dispositions sont conformes à la directive n°2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales. Là où la convention de Vienne laisse les parties libres dans la détermination du moment du paiement, le Code de commerce plafonne les délais de paiement. D’où la question de savoir si ce délai maximal d’ordre public économique interne et européen s’impose lorsque le contrat de vente relève de la convention.

…… Cette liberté conventionnelle peut-elle se heurter au plafond énoncé par l’article L.441-6 I alinéa 9 du Code de commerce ?

….. Pour les uns, l’applicabilité de la convention de Vienne exclut purement et simplement celle de l’article L. 441-6 I alinéa 9 du code de commerce (v. par exemple A. Garnier, C. Baudoin, « Réforme des délais de paiement – Mode d’emploi à l’usage des praticiens », JCP éd. E n°18, 30 avril 2009, 1445). C’est également la position du Ministre du commerce extérieur (Rep. Min. à QE n°22748, JO 30 juillet 2013, p.8237 ; Rep. Min. à QE n°22749, JO 1er juillet 2014, p.5509). Pour parvenir à cette conclusion, ces auteurs relèvent que le paiement fait partie des questions uniformisées par la convention de sorte que l’application d’une règle interne contraire s’analyse comme une violation de l’article 55 de la Constitution aux termes duquel « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». Pour les autres, l’applicabilité de la convention de Vienne – qui n’uniformise que partiellement le droit de la vente internationale – n’exclut d’aucune façon l’application de l’article L.441-6 I alinéa 9 du Code de commerce (Cl. Witz, chronique de « Droit uniforme de la vente internationale de marchandises », Juillet 2013-Décembre 2014, Recueil Dalloz 2015 p.881). En effet « sauf disposition contraire expresse de la présente Convention, celle-ci ne concerne pas: a) La validité du contrat ni celle d’aucune de ses clauses non plus que celle des usages » (article 4 de la convention). Il en résulte que la validité des clauses exonératoires de responsabilité ou des clauses susceptibles d’être considérées comme abusives demeure sous l’empire des lois nationales (P. Schlechtriem, Cl. Witz, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, Dalloz 2008, n°n°53 p.54). Dans le cas du plafond français des délais de paiement, le code de commerce en a assorti le dépassement de sanctions administratives sous forme d’amende. Si aucun texte spécial ne prévoit la nullité des clauses contraires, celle-ci pourrait cependant s’inférer de l’application du droit commun (v. notamment Article 6 du Code civil dans sa version actuelle et Articles 1102 alinéa 2, 1128 et 1162 du Code civil dans leur version issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations applicable à compter du 1er octobre 2016).

…. La question du moment du paiement entre bien dans le champ du droit uniforme qui l’a toutefois envisagée de façon incomplète. En l’absence de clause ou d’usage contraire, la convention prévoit en effet que le paiement interviendra au moment de la mise à disposition des marchandises. Ce faisant elle a refusé de rendre le paiement exigible dès la conclusion du contrat en le subordonnant, sauf clause contraire, à la mise en possession des marchandises (V. Heuzé, La vente internationale de marchandises. Droit uniforme, Traité des contrats, LGDJ 2000 n°365 et s. p.319 ; v. également F. Dessemontet, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises. Commentaire, CEDIDAC 1993 p.379 et s. et 384 et s.). On peut penser en revanche que les rédacteurs de la convention n’ont pas envisagé la question des délais de paiement en tant que telle. La convention ne prévoit en effet aucun délai de paiement supplétif de volonté et n’assortit pas davantage les délais stipulés contractuellement d’une limite. Il est donc permis d’analyser la question des délais de paiement comme une « lacune interne » de la convention.

…. Conclusion Au regard de ce qui précède il est permis de considérer que les contrats de vente internationale de marchandises relevant de la convention de Vienne du 11 avril 1980 ne sont pas soumis au plafond des délais de paiement prévu par l’article L. 441-6 I alinéa 9 du code de commerce. Par l’application combinée de la convention, des principes généraux dont elle s’inspire et de la directive n°2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal, compte tenu de la nature du produit. ….. »