Le droit communautaire ne constitue pas une entrave systématique à l’exercice délégué des missions de service public : l’exemple des liaisons maritimes Corse/Continent.

Dans un arrêt du 13 juillet 2012 le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille du 7 novembre 2011 qui avait jugé la délégation de service publique (DSP) attribuant la liaison entre Marseille et la Corse à certaines compagnies. Le Conseil d’Etat a estimé qu’une DSP attribuant des liaisons « ligne par ligne » ou « trajet par trajet » n’était pas contraire au droit de l’Union Européenne et en particulier avec le règlement n° 3577/92 du 7 décembre 1992 concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres. En outre le Conseil d’Etat a précisé que les clauses de sauvegardes contenues dans la DSP n’étaient pas assimilables à une aide d’Etat.

Le 7 novembre 2011 la CAA de Marseille annulait la DSP qui octroyait à un consortium SNCM/CMN la liaison Continent/Corse. Cette DSP prévoyait notamment un service complémentaire estival au seul bénéfice du consortium. La Société Corsica Ferries a vu dans cette DSP une atteinte injustifiée à la libre prestation de services. La CAA a donc enjoint la collectivité territoriale de Corse qui était à l’origine de la DSP « de procéder à la résiliation amiable du contrat à compter du 1er septembre 2012 ou de saisir le juge du contrat dans les six mois ». Était également en cause une clause de sauvegarde qui permettait de compenser partiellement les pertes liées à l’accomplissement de la mission de service public. La CAA a qualifié une telle clause d’aide d’Etat dont l’existence devait faire l’objet d’une notification auprès de la Commission Européenne.

Le consortium s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat qui a décidé d’annuler l’arrêt de la CAA en estimant que non seulement la DSP dans sa totalité ne constituait nullement une entrave à la libre prestation de services mais qu’en plus, la clause de sauvegarde ne pouvait être qualifiée d’aide d’Etat au motif que cette clause était prévue pour compenser strictement la mission de service public rendue par la SNCM/CMN. Reprenant en cela l’un des critères de la jurisprudence Altmark GMBH de la CJCE du 24 juillet 2003, la Haute Juridiction constatait qu’il s’agissait d’une compensation d’obligation de service public et que cette compensation était régulière (CE, 13 juillet 2012, N° 355616).