Caractérisation d’une faute médicale : la nécessité de s’appuyer sur des éléments médicaux probants

En matière d’accidents médicaux, la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée qu’à condition de rapporter la preuve qu’il a commis une faute.

A ce titre, l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique dispose que :

« Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

Récemment, la Cour de cassation est venue rappeler la nécessité pour les juges du fond de préciser les éléments médicaux sur lesquels ils se fondent pour retenir la responsabilité du professionnel de santé.

Dans cette affaire, à la suite d’une intervention chirurgicale consistant en la pose d’une prothèse de hanche, un patient a présenté diverses luxations. Plusieurs reprises chirurgicales ont alors été effectuées, afin que soit posé un dispositif anti-luxation et que soit effectué un changement de prothèse.

A l’issue de ces péripéties, le patient a assigné non seulement le fabricant de la prothèse, mais également le chirurgien ayant réalisé l’intervention, afin d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi.

Si la cour d’appel de Pau a écarté la responsabilité du fabricant de la prothèse, en raison de l’absence de défectuosité de ce produit de santé, elle a au contraire retenu la responsabilité du chirurgien (CA Pau, 1er juin 2021, n°19-02.557).

Elle estimait pour cela que la survenance des luxations subies par le patient était due à une mauvaise appréciation de sa situation initiale par le praticien, qui n’avait pas adopté les réflexes nécessaires.

Ainsi, selon elle, le chirurgien aurait dû déduire des luxations intervenues après la première intervention chirurgicale des caractéristiques morphologiques spécifiques de son patient. Il aurait alors dû lui implanter un dispositif anti-luxation dès l’apparition des luxations, lors de la première intervention.

Mécontent de cette décision, le chirurgien a toutefois formé un pourvoi en cassation, reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir précisé sur quels éléments probants et médicaux elle se fondait pour retenir une telle faute à son égard. Il ressortait en effet des termes du rapport d’expertise judiciaire qu’aucune faute, erreur, maladresse ou négligence du chirurgien n’avait pu être caractérisée, la prothèse posée par ce dernier étant tout à fait conforme à la morphologie et à l’âge du patient.

Par un arrêt du 14 décembre 2022, la Cour de cassation a accueilli le pourvoi formé par le chirurgien en cause, considérant que les juges d’appel n’avaient effectivement pas précisé les éléments médicaux sur lesquels ils se fondaient afin de conclure à une faute médicale du chirurgien.

A cette occasion, la Cour de cassation a alors rappelé que, si les juges n’étaient pas liés par les conclusions des rapports d’expertise, en vertu des dispositions de l’article 246 du Code de procédure civile, ils n’étaient pour autant pas dispensés de fonder leurs décisions sur des éléments médicaux probants.

Cette décision récente s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle déjà bien établie. En effet, en 2018, la Cour de cassation avait déjà rappelé que le juge n’était pas compétent pour donner un avis de nature médicale sur le dossier, et qu’il lui incombait de désigner des médecins experts pour le faire (Cass. 1re civ., 5 avril 2018, n°17-15620).

https://www.courdecassation.fr/decision/63997c13b7ec7f05d42d80db

Marianne DENIAU