E-sportifs et équipes professionnelles : le droit français version Alpha

Voilà déjà deux semaines que l’équipe chinoise d’Edward Gaming (EDG) remportait la finale des Mondiaux (Worlds) du jeu vidéo mythique League of Legends contre les sud-coréens de DAMWON.

Le plus grand championnat du sport électronique n’a pas encore autant de retentissement dans notre pays qu’en Asie où des millions de passionnés se sont déplacés en masse à cet évènement, accueilli comme le Graal des compétitions d’e-sport.

Pour autant en France comme à l’étranger, la pratique des jeux vidéo n’est plus l’apanage des « gamers » et il est désormais possible d’en faire sa carrière.

A mesure que l’e-sport est passé du simple « hobbie » à la vocation professionnelle, le législateur français n’a eu d’autres choix que d’intervenir pour combler un vide juridique béant s’agissant entre autres du statut de ces salariés très particuliers et des équipes professionnelles de jeux vidéo qui les emploient pour participer aux compétitions e-sportives.

L’encadrement contractuel par la loi française de la relation entre le joueur et la société a été consacré dans la Loi pour la République Numérique publiée le 7 octobre 2016 qui instaure, avec ses deux décrets d’application, un véritable contrat de travail à durée déterminée.

Compte tenu de la particularité de l’e-sportif, que l’on ne peut assimiler à un salarié classique, ce contrat connaît des spécificités à savoir notamment qu’il doit être conclu d’une durée minimale d’un à cinq ans, renouvelable indéfiniment sans délai de carence.

Là encore, l’employeur a la faculté d’écourter ce minimum d’une année pour pouvoir au remplacement d’un joueur absent ou suspendu, ou bien lorsque la saison d’un championnat s’étale sur une période plus courte.

Autre dérogation et pas des moindres, il sera possible de recruter un joueur de moins de 16 ans sous réserve de l’obtention d’une autorisation individuelle préalable de la Commission des enfants du spectacle, conformément à l’article L7124-1 4° du Code du travail.

En dépit des dérogations au contrat de travail classique rendues possibles par le législateur, l’e-sportif choisit encore majoritairement le statut de travailleur indépendant en concluant avec la société qui le sollicite un contrat de prestation de service.

A ce stade, le contrat de travail est boudé tant par la structure sportive, puisque davantage contraignant, que par les joueurs eux-mêmes dès lors qu’il n’est pas autant protecteur qu’un contrat de travail classique. L’octroi d’une indemnité de précarité en fin de contrat n’est en effet pas une obligation légale et doit le cas échéant faire l’objet d’une clause expresse.

Enfin, la possibilité de recourir à un tel contrat de travail est strictement réservé aux sociétés ou associations ayant obtenu un agrément en ce sens du ministère en charge du numérique, parmi lesquelles GamersOrigin, LDLC Event et l’Olympique Lyonnais.

Son octroi suppose le respect d’un certain nombre de conditions reflétant l’investissement de la structure dans les moyens humains, matériels et financiers mis en œuvre pour participer aux compétitions de jeux vidéo ainsi qu’au profit de ses joueurs.

L’entrainement du e-sportif professionnel n’étant pas si éloigné que celui d’un athlète, il s’agira pour la société qui l’emploi de lui fournir un encadrement et un suivi physiques, psychologiques et professionnels adaptés à son activité.

Si le recours au dispositif législatif est encore l’exception, il est certain qu’avec l’évolution permanente du jeu vidéo, la multiplication de ses supports et la prolifération des créateurs indépendants, le droit français n’est encore qu’à ses prémices dans cette industrie qui, nous avons tendance à l’ignorer, est la plus rentable tous domaines confondus.

Louise ROUSSELET