Le droit dans l’espace

L’Homme a toujours eu un appétit de savoir et de vouloir.

« On ne fait rien de sérieux si on se soumet aux chimères, mais que faire de grand sans elles » a dit Charles de Gaulle.

Alors que les débats font rage sur la mondialisation et sur un monde sans frontière, ce monde sans frontière existe, il est au-dessus de nous, il est infini : c’est l’Espace !

Et la conquête de l’Espace ne se fera pas sans les juristes !

Aux défis techniques se rajouteront les défis juridiques pour le réguler, l’organiser, et l’humaniser. Le Droit devra s’adapter dans les domaines à la fois du droit privé et du droit public, mais aussi du droit international en s’interrogeant sur de nouveaux droits de la propriété, de la responsabilité, de la construction ; le droit du travail, le droit pénal, le droit commercial devront eux aussi s’adapter en même temps que celui de l’environnement sans parler du droit fiscal et de la concurrence, et bien évidemment de celui des nouvelles technologies.

La liste est abyssale : le Droit dans son entier devra se réinventer, se trouver de nouvelles frontières. L’Espace dérange le droit, et son infini lui donne un champ d’intervention à ce jour insoupçonné. Comment utiliser l’Espace ? Comment en déterminer les règles d’appropriation ? Quelles seront les responsabilités des différents acteurs publics et privés ?

La multiplicité et la privatisation des acteurs spatiaux de l’industrie de l’Espace commanderont un Droit nouveau, et les règles jusqu’alors mises en place depuis plusieurs années déjà n’y suffiront pas ! Les recours aux droits anciens, comme par exemple le droit maritime qui a marqué intellectuellement le droit aérien, ne pourront suffire.

Et le droit spatial qui jusqu’à aujourd’hui s’est positionné en partie à la suite du droit aérien, devra muter. Rappelons que c’est la Convention de Paris du 13 octobre 1919 qui réglait la souveraineté de chaque Etat sur son espace aérien.

Rappelons qu’en droit international il existe 5 Traités des Nations Unies relatifs à l’Espace et que le Traité de l’Espace de 1967 est toujours considéré comme la règle essentielle devant être prise en référence. Rappelons enfin que le législateur européen est prolixe en matière de droit aérien, mais reste discret en matière spatiale.

Quant au Droit français, il n’a fait que prolonger tant le droit international qu’européen, pour se doter (récemment ! loi du 3 juin 2008), d’une législation relative aux opérations spatiales, même si un projet de loi est à ce jour en cours de préparation…

A n’en pas douter tout devra être revu et repensé à l’aune des problèmes que va rencontrer l’exploration spatiale, et ce, par sa permanence et l’aspect toujours plus intense de ses améliorations techniques. C’est en 1928 que le mot d’astronaute a été élaboré en tant que marin des astres. Soixante ans déjà que Youri Gagarine a fait son premier bond dans l’espace dans l’engin Wostok. Cinquante-deux ans se seront passés le 20 juillet prochain après les premiers pas de l’Homme sur la lune.

Et reprenant la phrase célèbre prononcée par l’astronaute de la mission spatiale Apollo 13 en 1970, « we have a problem » : je dirais que le Droit spatial n’a pas eu la même évolution que la technique et tout reste à faire ! Et c’est ce qui est passionnant : la conquête du Droit spatial commence !

Les enjeux juridiques sont immenses et nous allons assister à une nouvelle étape dans l’évolution du Droit et des systèmes judiciaires.

Le vide sidéral ne pourra être pour une évolution de l’Humanité un vide juridique !

Et je n’en veux pour preuve que Dubaï qui veut s’imposer parmi les puissances qui investissent dans l’Espace a créé un tribunal de l’Espace destiné à résoudre les litiges commerciaux.

Mais comme le souligne Michelle Hanlon : « Il y a deux différences majeures à prendre en compte. La première : contrairement aux océans et au Pôle Sud, l’Espace est infini. La seconde : il sera très difficile de contrôler les activités spatiales et de faire appliquer des règles. Les juristes en droit spatial doivent donc nécessairement s’éloigner des concepts terrestres lorsqu’il s’agit d’aborder cette nouvelle frontière. »

Paul Valéry avait écrit au fronton du Palais de Chaillot «Le temps du Monde fini commence ».

A cette réflexion sur le destin de notre civilisation et le devenir de la science vient s’ajouter notre interrogation sur l’infini et le Droit à la recherche d’une régulation d’un ailleurs pour l’Humanité.

Yves BISMUTH