Eoliennes et voisinage : vous avez dit troubles ?

De loin, ces éoliennes ont tout pour plaire.

Elancées et majestueuses, elles produisent une énergie verte et a priori non polluante à partir du vent capté à travers leurs pales.

De près, leur présence est considérablement bien moins vécue par les propriétaires riverains à raison des troubles visuels et sonores qu’elles provoquent et du risque subséquent de dépréciation de leur bien.

A l’instar d’un chantier trop bruyant, des aboiements excessifs d’un chien ou d’une discothèque diffusant de la musique au-delà des seuils règlementaires, il est tout à fait concevable qu’un parc éolien puisse troubler la tranquillité du voisinage et porter atteinte au paysage dont ils bénéficiaient jusqu’alors.

Certains d’entre eux ont alors été tentés de solliciter l’indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage suivant lequel nul ne doit causer à autrui une gêne excédant les inconvénients normaux de voisinage.

L’objectif poursuivi par ce principe, qui est une émanation jurisprudentielle du droit de propriété défini à l’article 544 du Code civil, n’est pas de sanctionner tous les gênes mais ceux dépassant un seuil de tolérance apprécié au cas par cas.

Pourtant, il semblerait que cette théorie ne soit pas applicable aux troubles visuels et sonores d’un parc éolien implanté à proximité d’habitations eu égard à la position adoptée par la Cour de cassation dans sa décision remarquée du 17 décembre 2020 (n°19-16.937).

Il a tout d’abord été rappelé que nul n’avait un droit acquis à la conservation de son environnement.

Ainsi, le fait d’habiter dans un milieu rural, fut-il élégant et paisible, n’est pas une réalité immuable octroyant à ses riverains le droit de la défendre contre, par exemple, le phénomène d’urbanisation.

S’agissant de la notion de trouble de voisinage à proprement parler, la Haute Cour a ensuite rappelé qu’elle s’appréciait en fonction des droits respectifs des parties.

Dit autrement, il ne s’agit pas de se placer du seul point de vue de la prétendue victime, mais plutôt de mettre sa situation en balance avec les motivations de l’auteur du trouble, qui peuvent résulter de l’exercice d’un droit légitime susceptible de concurrencer le droit de propriété.

En l’occurrence dans l’affaire d’espèce, le spectre de l’intérêt collectif sous lequel l’intensité de la gêne subie par le plaignant a été appréciée a permis d’exclure la qualification de trouble anormal de voisinage et de rejeter ses demandes indemnitaires corrélatives.

La motivation de la Cour est en effet la suivante : « la dépréciation des propriétés concernées, évaluée par expertise à 10 ou 20%, selon le cas, dans un contexte de morosité du marché local de l’immobilier, ne dépassait pas, par sa gravité, les inconvénients normaux du voisinage, eu égard à l’objectif d’intérêt public poursuivi par le développement de l’énergie éolienne. »

L’objectif d’intérêt public de préservation de l’environnement a neutralisé la gravité du trouble, qui aurait pu le demeurer sans cette finalité vertueuse.

Tout ceci démontre que l’environnement n’a pas la même signification suivant l’échelle à laquelle on se place : l’environnement proche dans lequel évolue un particulier n’a absolument rien à voir avec l’environnement en tant que problématique écologique et sociétale.

Plus que jamais, la sémantique est au cœur des enjeux juridiques.

Louise ROUSSELET