Vers la consécration des entreprises à mission ?

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises plus communément appelée Loi PACTE a profondément modifié le cadre juridique et économique qui régit le monde des affaires.

Parmi les nouvelles dispositions, un décret d'application entré en vigueur le 2 janvier 2020 est venu préciser les caractéristiques des entreprises à mission.

La Loi PACTE ainsi introduit dans notre droit la notion de mission permettant à une entreprise de déclarer sa raison d'être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux.

S'il ne s'agit pas véritablement d'une révolution juridique, ces évolutions témoignent de la prise en compte d’un état d’esprit nouveau, soufflant sur le monde de l’Entreprise.

Une majorité de Français considère ainsi que l'Entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble avant même ses clients, ses collaborateurs et ses actionnaires.

Le postulat repose néanmoins sur le fait que la performance économique est parfaitement compatible avec l'intérêt commun sociétal.

Plusieurs niveaux de réalisations sont ainsi possibles.

L'article 1833 du Code civil prévoit que toute société doit avoir un objet licite, être constituée dans l'intérêt commun des associés mais aussi qu'une société doit être gérée dans son intérêt social en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.

A travers cette rédaction, le texte grave dans le marbre la fameuse RSE, la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise.

L'étape supplémentaire concerne les entreprises volontaires pour intégrer, de manière statutaire, une véritable raison d'être.

C'est l'article 1835 du Code civil qui prévoit cette évolution.

Les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l'objet, l'appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement.

L'article ajoute désormais que les statuts peuvent préciser une raison d'être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation son activité.

Enfin pour les entreprises les plus volontaires, c'est l'article L 210-10 du code de commerce qui définit le cadre de la société à mission. Cet article prévoit qu'une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque plusieurs conditions sont respectées :

 Les statuts de préciser une raison d'être

 Les statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité.

 Les statuts précisent les modalités du suivi de l'exécution de ses missions. Les modalités doivent prévoir qu'un comité de mission distinct des organes sociaux, et devant comporter au moins un salarié, est chargé de ce suivi et de présenter annuellement un rapport joint au rapport de gestion lors de l'approbation des comptes de la société à l'assemblée générale.

 En outre, une véritable vérification de l'exécution de ces objectifs sociaux et environnementaux est réalisée par un organisme tiers indépendant qui doit rédiger un avis.

 Enfin, la société doit déclarer sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qualité soumise à publicité par le greffe.

Si la notion d'entreprise à mission n'est pas nouvelle, et est directement tirée de l'expérience américaine des Benefit corporation, il convient de mettre en avant le très fort engouement pour ce type d'entreprise en France.

Seulement un an après la parution du décret d'application de la Loi PACTE, une centaine d'entreprises a été séduite par ce statut de société à mission.

Par comparaison, il a fallu cinq années pour atteindre le même niveau en Californie. Si la quête de sens en entreprise est désormais une recherche reconnue tant pour les collaborateurs que pour les dirigeants, le raisonnement s'est élargi à la contribution positive que peut apporter l'entreprise dans la société prise dans sa globalité.

Il ne s'agit pas seulement de penser à son impact environnemental, à la pollution engendrée par les activités de production, ou assurer le bien-être de ses salariés, il est désormais question d'agir et d'interagir dans un écosystème global et intégré pour donner du sens à son activité et s'inscrire dans un intérêt collectif.

L'entreprise peut et doit agir pour atteindre une civilisation plus innovante, plus respectueuse de la planète et de ses habitants, et permettre une responsabilisation collective intelligente. La notion même de profits est à repenser.

Choisir une raison d'être n’est pas antinomique avec la recherche d'un profit mais la société poursuit d'autres buts qui ne se limitent pas seulement à une distribution de dividendes ou à une optimisation capitalistique et financière.

C'est dès lors l'occasion de réinventer, véritablement et sur le long terme, toute la valeur ajoutée générée par l'entreprise grâce, notamment, à ses collaborateurs qui peuvent y trouver enfin le sens qu'ils cherchent à donner à leur activité professionnelle.

La pandémie mondiale que nous traversons a considérablement accentuée notre recherche quasi métaphysique de réponse aux éternelles questions : pourquoi toujours en faire plus, pourquoi aller toujours plus vite, quelle est la finalité de l'ambition affichée, quel héritage laisserons-nous, quelles actions positives aurons-nous réalisées, quelle plus-value donner aux mutations technologiques majeures que nous adoptons,… ?

La vitesse avec laquelle les entrepreneurs français se sont emparés de l'entreprise à mission et de la raison d'être statutaire révèle qu'il s'agit d'un phénomène de fond. Chaque entreprise, quelle que soit son activité, quelle que soit sa taille, peut adopter ce cadre novateur lui permettra d'avoir un cap clairement défini pour sa croissance. Cette croissance peut se retrouver sur un plan national pour les plus grandes entreprises mais également pour les plus petites, sur un plan local, avec une valorisation de leur écosystème. L’entreprise à mission donnera du sens à la relation avec ses clients, ses collaborateurs, ses filières d'approvisionnement, ses fournisseurs, ses partenaires. Les Etats éprouvent les plus grandes peines pour assurer une cohésion au sein de leur population. Les entreprises peuvent y jouer un rôle majeur.

Quel plus bel exemple que la nouvelle conquête spatiale.

Le monde s’ébahit des exploits réalisés par nos astronautes. Faut-il rappeler que ce sont des entreprises privées qui ont contribué à la réalisation de ces rêves.

Ignorer les aspirations profondes qui traversent le monde de l’entreprise serait une erreur pour les dirigeants. L’entreprise à mission est un outil dont il serait dommage de se priver . L'entreprise qui souhaite se lancer dans cette aventure devra imaginer un nouveau contrat social en son sein, formuler des engagements et des actions précises, mobiliser autour de ce projet des ressources humaines fidélisées, aboutir à une transformation des métiers tout en adaptant sa gouvernance . Elle devra mettre en œuvre des outils de mesure et d'évaluation des objectifs ainsi définis pour faire coïncider raison d’être et business model performant et rentable.

Il conviendra alors de communiquer intelligemment sur ce passage à l’entreprise à mission pour renforcer le lien avec les clients.

Notre Cabinet se tiendra à vos côtés tout au long de ce processus. Vous accompagner, vous conseiller, vous défendre, c'est déjà notre raison d'être.

Olivier COSTA - Avocat Associé