Le nouveau statut des professionnels indépendants

Le droit appliqué aux entrepreneurs poursuit son évolution.

Destinée à protéger les indépendants, la Loi n° 2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l'activité professionnelle indépendante a été publiée au Journal Officiel le 15 février 2022.

Ce texte porte une mesure phare, la création d’un nouveau statut pour les professionnels indépendants.

Il est articulé autour de deux axes, la définition précise de la qualité d’entrepreneur individuel, et la distinction entre son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel.

Ce nouveau statut entrera en vigueur à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, soit le 15 mai 2022.

La distinction entre créances personnelles et créances professionnelles s'appliqueront donc aux créances nées après cette date.

Ce calendrier est important à prendre en compte pour les entrepreneurs qui envisagent de lancer leur projet dans les semaines qui viennent.

Le Code de commerce va ainsi prochainement se voir ajouter deux nouvelles sections, l’une portant sur le statut de l’entrepreneur individuel, l’autre portant sur le transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

C’est le nouvel article L. 526-22 du Code de commerce qui donne la définition de la qualité d’entrepreneur individuel.

Ses principales dispositions sont les suivantes :

« Art. L. 526-22. L'entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l'entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel. La distinction des patrimoines personnel et professionnel de l'entrepreneur individuel ne l'autorise pas à se porter caution en garantie d'une dette dont il est débiteur principal. Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et sans préjudice des dispositions légales relatives à l'insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l'article L. 526-7 du présent code, l'entrepreneur individuel n'est tenu de remplir son engagement à l'égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 526-25. Les dettes dont l'entrepreneur individuel est redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont nées à l'occasion de son exercice professionnel. Seul le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l'occasion de son exercice professionnel… ».

Le Législateur a ainsi voulu donner une définition la plus large possible de l’entrepreneur individuel, permettant dès lors d’intégrer dans ce nouveau statut, les agriculteurs, les artisans, les commerçants, et tous les indépendants.

La prise de risque inhérente à toute volonté entrepreneuriale se heurte avec la nécessité de protéger pour ses proches et soi-même, son patrimoine personnel.

Le nouveau statut clarifie sensiblement la distinction, qui existait déjà dans le cadre de l’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée), entre patrimoine personnel qui pourra faire l’objet d’une protection renforcée, et le patrimoine professionnel qui servira quant à lui, de garanties pour les créances issues exclusivement de l’activité professionnelle.

Cette dissociation risque néanmoins d’avoir un effet pervers sur l’accès au financement des indépendants, les créanciers disposant alors d’une surface de garantie plus faible.

Cependant, le texte prévoit des exceptions pour ne pas rendre rigide la séparation entre les patrimoines.

Cette disposition est néanmoins la bienvenue car elle pourra libérer les initiatives entrepreneuriales.

La volonté de clarification exprimée par la Loi du 14 février 2022 entraine pour les EIRL leur fin progressive, puisque dès le lendemain de la publication du texte, l’article L 526-5-1 du code de commerce qui prévoyait la possibilité de choisir ce statut, a été abrogé.

Le régime de l’EIRL continuera toutefois à s’appliquer pour les entrepreneurs exerçant sous ce statut à la date de publication de la loi.

Le Législateur a par ailleurs souhaité favoriser le transfert de patrimoine.

Le futur article 526-27 prévoit que « L'entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l'intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci… ».

Précisons enfin que le texte assouplit les critères d’éligibilité à l’allocation des travailleurs indépendants qui arrêtent leur activité et simplifie le financement de la formation des indépendants.

C’est ainsi un texte important qui est paru, redéfinissant un nouveau statut de l’entrepreneur individuel, pour le redynamiser et le rendre conforme aux mutations sociales et aux nouveaux modes d’exercice des activités professionnelles.

Olivier COSTA Avocat Associé