La modernisation du régime juridique des concessions d’énergie hydraulique

Par la publication successive de l’ordonnance n°2016-518 du 28 avril 2016 et du décret n°2016-530 du 27 avril 2016, le Gouvernement a entendu moderniser le cadre réglementaire des concessions hydroélectriques. Depuis l’adoption de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les dispositions de celles-ci étaient en attente de texte d’application quant à l’utilisation de l’énergie hydraulique en France. C’est désormais chose faite avec l’ordonnance n°2016-518, publiée au Journal officiel le 29 avril 2016, suivie de la publication du décret n°2016-530 le lendemain.

L’ordonnance n°2016-518 modifie le Code de l’énergie sur le fondement de l’article 119 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en précisant l’étendu du contrôle administratif exercé par les autorités de l’Etat sur les concessions.

Elle applique le régime des sanctions pénales et administratives prévues pour le secteur de l’énergie et de l’électricité aux concessions d’énergie hydraulique, afin d’assurer une bonne exécution des contrats et d’exercer un contrôle efficace. En outre, l’ordonnance créé une contravention de grande voirie pour toute atteinte à l’intégrité, à l’utilisation et à la conservation du domaine public concédé, qui est défini par l’ordonnance comme « constitué de l'ensemble des terrains, ouvrages ou installations, cours d'eau et lacs compris dans le périmètre d'une concession hydraulique, sans préjudice du classement de certains de ces éléments dans le domaine public fluvial ». Ceci concerne tout particulièrement les décharges sauvages aux abords des installations. A savoir que ces infractions peuvent être désormais constatées par les agents assermentés du concessionnaire, ce qui améliore la protection des domaines concédés.

Et puis, pour sécuriser les installations concédées les plus anciennes, ladite ordonnance donne la possibilité aux exploitants de faire reconnaître le caractère d’utilité publique des installations, en cours d’exploitation.

Le décret n°2016-530 quant à lui précise notamment la procédure d’octroi d’une concession, avec la création de sociétés d’économie mixte hydroélectriques (SEMH), ainsi que les modalités de renouvellement d’une concession.

Tout d’abord, ce décret permet à l’Etat d’initier la création de nouvelles concessions sans attendre le dépôt d’un projet, et d’attribuer un complément de rémunération dans le cadre du contrat de concession.

Concernant les regroupements de concessions, selon le décret, deux aménagements de force hydraulique sont dits hydrauliquement liés s'ils se trouvent dans au moins l'un des cas suivants : - Une influence hydraulique moyenne ou forte entre les deux aménagements - Une alimentation par une même retenue en amont ou déversant dans une même retenue en aval - Le premier aménagement constitué d’un barrage-réservoir alimentant directement le second en aval

Par ailleurs, le décret n°2016-530 fixe la procédure de création des SEMH, au moment du renouvellement des concessions, qui peuvent associer des opérateurs compétents, des collectivités locales et l’Etat. Concrètement, des actionnaires publics pourront s’associer à un opérateur industriel, qui a été sélectionné à l’issue d’une procédure d’appel public à la concurrence. Les collectivités territoriales riveraines des cours d’eau peuvent participer à ce renouvellement de concession en qualité d’actionnaire, à condition qu’elles respectent les compétences « qui leur sont reconnues par la loi en matière de gestion équilibrée des usages de l’eau, de distribution publique d’électricité ou de production d’énergie renouvelable », précise le décret. Pour les concessions non concernées par les SEMH, le décret prévoit que le préfet pourra créer une nouvelle instance de concertation locale, à savoir un comité de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau. Cette création sera de droit pour les concessions regroupant des ouvrages de plus de 1 000 mégawatts.

Enfin, en annexe dudit décret, un modèle de cahier des charges, totalement renouvelé et comprenant pas moins de 89 articles, permet l’adaptation « aux pratiques actuelles en matière de concessions de service public » selon la ministre chargée de l’Ecologie.

Ces deux textes ont pour finalité de rassurer Bruxelles, qui avait sommé la France le 22 octobre dernier d’ouvrir la filière à la concurrence, au vu du quasi-monopole d’EDF sur le parc (près de 80% d’exploitation). Selon la ministre de l’Ecologie, ce nouveau régime juridique permet d’éviter la privatisation, tout en permettant la création de SEMH ou le renouvellement de concessions, et ce par la « mise en cohérence des règles d’attribution des concessions hydroélectriques avec les textes de transposition de la directive 2014/23/UE relative aux contrats de concession ». En effet, l’hydroélectricité joue un rôle essentiel dans la transition énergétique : elle a représenté 61% de la protection électrique d’origine renouvelable en 2015. Ce nouveau régime juridique pourrait ainsi favoriser le développement des énergies renouvelables électriques.