Les certificats d’économies d’énergie, un dispositif respectant la concurrence

L’association nationale des opérateurs détaillants en énergie a saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir contre le décret n° 2013-1199 du 20 décembre 2013 qui a prolongé le dispositif des certificats d’économies d’énergie. Le Conseil d’Etat a rendu son arrêt le 9 mars 2016 dans lequel il rejette la demande d’annulation du décret (Conseil d’Etat 9 mars 2016, n° 375467).

Les articles L.222-1 à L.222-9 du code de l’énergie prévoient le dispositif des certificats d’économies d’énergie, il s’agit d’un procédé imposant aux fournisseurs d’énergie de promouvoir l’efficacité énergétique auprès de leurs clients. Chaque fournisseur d’énergie se voit attribuer un quota d’économies d’énergie à réaliser par période de 3 ans, en fonction de son volume de vente, en cas de non réalisation de l’objectif il encourt une pénalité financière.

Dans cette affaire le Conseil d’état a dû se prononcer sur la validité du décret et surtout sur son respect des normes européennes. En effet les juges ont du s’assurer que les certificats d’économies d’énergie respectaient les règles de la concurrence.

 La non nécessité d’obtenir la contre signature de tous les ministres pour le décret modificatif L’article 22 de la Constitution prévoit que les décrets sont signés par le premier ministre et le cas échéant par les ministres chargés de leur exécution. Les requérants ont considéré que le décret était entaché d’un vice de forme car ce décret n’avait pas été signé par le ministre de l’économie.

Cependant l’article 22 de la Constitution n’impose pas la contresignature du décret modificatif par tous les ministres ayant contresigné le décret qu’il modifie. Le Conseil d’état explique que le ministre dont la signature était réclamée par l’Association requérante ne faisait plus partie des ministres ayant compétence pour l’exécution du décret lors de sa signature. Sa contresignature n’était dès lors pas nécessaire  Des aides encadrées par le droit de l’union Le Traité sur le fonctionnement de l’union européenne énonce dans son article 107 : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » La Cour de justice a été amenée à préciser l’interprétation à donner à cet article.

Dans deux arrêts C-482/99 du 16 mai 2002 et C-262/12 du 19 décembre 2013, elle a en effet expliqué qu’afin que l’avantage soit qualifié d’aide il faut qu’il soit imputable à l’Etat et accordé directement ou indirectement au moyen des ressources de ce dernier.

 Un dispositif distinct des aides de l’Etat Si le dispositif des certificats d’économies d’énergie peut être considéré comme un avantage imputable à l’Etat son octroi n’est pas du simple fait de l’Etat. En effet, l’Etat ne contrôle pas la quantité de certificat sur le marché. Leur nombre dépend des efforts d’économies d’énergie des acteurs du système (fournisseurs et particuliers). L’Etat ne fixe pas non plus leur valeur marchande de ces certificats. Cette valeur est le résultat de la rencontre entre l’offre et la demande. Les certificats économies énergie servent simplement de preuve officielle attestant de la réalisation d’économies d’énergie.

Le Conseil d’Etat précise que ces certificats n’ont jamais figuré au patrimoine de de l’Etat, il ne s’agit pas d’un avantage accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d’Etat, dès lors il ne s’agit pas d’une aide au sens de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union.

Les juges ont ainsi pu considérer que : « le moyen tiré de ce [que cette mesure] constituerait une aide d’État au sens des stipulations de l’article 107, paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et aurait, ainsi, dû être notifiée à la Commission européenne en application de l’article 108, paragraphe 3, du Traité, doit, dès lors, être écarté »

 Un décret avantageant les opérateurs historiques ? Les requérants soutenaient que le dispositif des certificats d’économies d’énergie permettait d’avantager les opérateurs historiques au détriment des opérateurs d’énergie alternatifs. Selon la requérante les modalités de calcul permettant l’obtention de certificats d’économies d’énergie avantageraient les opérateurs historiques leur conférant une puissance de négoce.

Cependant le décret ne fait que préciser l’article L.221-6 du code de l’énergie. Le reproche fait au décret de permettre aux opérateurs historiques de couvrir de plein droit une partie de leurs frais exposés pour satisfaire à leurs obligations d’économie d’énergie résulte de l’article L.221-5 qui prévoit que « les coûts liés à l'accomplissement des obligations s'attachant aux ventes à des clients qui bénéficient de tarifs de vente d'énergie réglementés sont pris en compte dans les évolutions tarifaires arrêtées par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie »

Dès lors c’est en réalité la loi que la requérante semblait contester, elle ne pouvait pas soutenir que le décret méconnaissait le principe d’égalité.