FOCUS SUR LE DROIT DE L’ENERGIE : des tarifs réglementés à la maîtrise de la consommation énergétique

1. Les tarifs réglementés :

L’Union Européenne est le principal vecteur du développement du droit de l’énergie notamment grâce à l’instauration d’un marché libéralisé et concurrentiel de l’énergie. Si ce principe a été constitutionnellement reconnu en France, il apparait aujourd’hui difficile à mettre en place surtout compte tenu du maintien des tarifs réglementés dans ce secteur . La Directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009 laissée aux Etats la possibilité de fixer des tarifs réglementés afin de protéger le consommateur. La Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie prévoyait l’ouverture totale du marché du secteur de l’énergie à compter du 1er juillet 2007. Elle prévoit également la mise en place d’un tarif réglementé dans le secteur de l’énergie. Depuis le 1er juillet 2007, le bénéfice des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité est accordé de plein droit aux particuliers, sauf si le consommateur décide de recourir à une offre du marché concurrentiel. La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a pour objet d'adapter les secteurs de l'électricité et du gaz à l'ouverture complète des marchés de l'énergie au 1er juillet 2007, et de transposer les directives n° 2003/54 et 55 sur le marché intérieur de l'électricité et le marché intérieur du gaz, en ce qui concerne la distribution d'électricité et de gaz naturel et la protection des consommateurs dans les contrats de fourniture Le tarif réglementé est applicable à la fourniture d’électricité et de gaz et fonctionne sur la base d’une option pour le consommateur lui permettant de choisir soit un tarif réglementé fixé par l’Etat, soit tarif fixé au prix du marché. Ce tarif réglementé peut uniquement être proposé par EDF et les entreprises locales de distribution s’agissant de l’électricité. Ainsi en matière d’électricité, cette tarification est réservée aux particuliers et aux professionnels dont le compteur présente une puissance souscrite supérieure à 36 KvA. La tarification réglementée à fait l’objet d’une jurisprudence abondante ces dernières années. Ainsi, la CJUE a notamment restreint la possibilité pour les Etats de fixer des tarifs réglementés de vente du gaz : - la réglementation des prix de vente doit poursuivre un « objectif d'intérêt économique général consistant à maintenir le prix de fourniture du gaz naturel au consommateur final à un niveau raisonnable » ; - l'atteinte portée à la libre fixation des prix doit être proportionnée à l'objectif poursuivi et à ce titre, doit être instituée pour une « période nécessairement limitée dans le temps » ; - la règlementation des prix doit être « clairement définie, transparente, non discriminatoire, contrôlable » et doit garantir « aux entreprises de gaz de l'Union un égal accès aux consommateurs ». La mise en place d’un tarif réglementé doit donc réponse à un objectif précis et doit être proportionné à la réalisation de cet objectif pour répondre aux exigences européennes. En France, les tarifs réglementés sont fixés par le ministre en charge de l’énergie sur proposition de la commission de régulation de l’énergie (L. 337-4 Code de l’énergie). Ce calcul était fondé à l’origine sur l’ensemble des coûts de l’acheminement de l’énergie pour le distributeur. Toutefois, afin de véritablement libéraliser le secteur de la fourniture d’énergie, le législateur est intervenu en 2010 avec la LOI n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité pour faire disparaitre les tarifs réglementés. L’article 13 de cette loi prévoit la suppression des tarifs règlementaires de vente d’électricité à compter du 31 décembre 2015 pour les consommateurs bénéficiant d’une puissance de plus de KvA. Dans le secteur du gaz, la LOI n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation est venu organiser la suppression progressive des tarifs règlementés pour les gros consommateurs. Pour les consommateurs résidentiels, c’est le Conseil d’Etat qui s’est chargé de poser une question préjudicielle à la CJUE afin de déterminer si les tarifs réglementés dans le secteur du gaz étaient compatibles avec le droit de l’UE . Le débat n’est donc pas encore tranché. Outre la question de la légalité du dispositif de la tarification réglementée des ventes, la problématique s’est également portée sur le mode de calcul du tarif réglementé. En effet, avant la loi NOME de 2010, le tarif règlementé dans le secteur de l’électricité était calculé sur les coûts supportés par EDF pour la production et l’acheminement de l’électricité. Le Conseil d’Etat a été saisi afin de déterminer si le prix fixé par les arrêtés tarifaires couvrait réellement les coûts supportés par EDF. Par un arrêt en date du 01 juillet 2010, le Conseil d’Etat a censuré ces dispositions aux motifs que la fixation du tarif manquait de transparence dès lors qu’il s’agissait d’un tarif intégré, et que le tarif établi par l’Etat ne permettait pas de couvrir les coûts réellement supportés par EDF . La loi NOME a permis de corriger ce mode de calcul qui doit désormais intégrer « l'addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément à la fourniture d'électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale » (Article L. 337-6 Code de l’énergie). Elle intègre également un objectif de convergence du tarif réglementé vers le tarif de marché. La méthode dite de l’empilement des coûts permet aux concurrents de contester la fixation du tarif règlementé en vigueur. C’est ainsi que l’arrêté du 30 octobre 2014 a été contesté afin d’obtenir la suspension du tarif fixé. Le juge des référés du Conseil d’Etat, s’il constate la probable illégalité des « tarifs verts », dont le niveau paraissait insuffisant pour rattraper la sous-évaluation du tarif précédent, il refuse de suspendre l’arrêté au motif qu’il n’existe pas d’urgence à suspendre .

La volonté d’un marché de l’énergie complètement unifié est encore loin d’être atteinte dès lors que les consommateurs bénéficient toujours de tarifs réglementés. Toutefois, ces tarifs sont amenés à disparaitre au profit d’une véritable libéralisation du marché des énergies.

2. Les énergies renouvelables :

Les énergies renouvelables font l’objet d’un soutien important au sein de l’Union européenne afin d’encourager leur utilisation. Ainsi, la Directive 2009/28/CE vise à promouvoir les énergies renouvelables en fixant d’une part des objectifs nationaux contraignant, et d’autre part en imposant un cadre juridique favorable à l’utilisation des énergies renouvelables. A. Le schéma régional de raccordement. Sous l’égide de l’Union européenne, les pouvoirs publics encouragent fortement le recours aux énergies renouvelables. A ce titre, les autorités ont décidé d’instaurer un schéma régional de raccordement afin de permettre le développement des infrastructures de production d’électricité . L’objectif était donc d’assurer un développement rationnalisé de ces infrastructures afin d’éviter la multiplication sporadique des projets de constructions et donc des raccordements. Ce schéma vise également à imposer la mutualisation des coûts de prise en charge du raccordement au réseau dans le but de réduire le coût d’investissement. Ce schéma constitue le volet opérationnel du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie et vise à réaliser la stratégie de développement durable initiée par le gouvernement au niveau régional . Le Conseil d’Etat est revenu sur les modalités d’application de ce schéma dans un arrêt du 11 avril 2014 . Le Décret n°2012-533 du 20 avril 2012 relatif aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables, prévus par l'article L. 321-7 du code de l'énergie faisait l’objet d’une contestation de la part d’une association notamment s’agissant de la mutualisation de la prise en charge financière de l’extension du réseau de raccordement. Le Décret prévoyait que le producteur devait assumer d’une part, le paiement du coût des ouvrages servant à son raccordement, et d’autre part, une quote-part des installations de raccordement devant être réalisées dans le cadre du SRR. La requérante estimait que la mutualisation des coûts faisait peser sur le producteur une charge excessive par rapport aux objectifs fixés par le SRR. Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi des requérants en affirmant qu’au regarde de l’objectif de mutualisation fixé par le législateur dans son article L. 321-7 du Code de l’énergie, il ne semble pas que la charge soit excessive. Il juge également que les dispositions de la loi et du Décret d’application sont conformes aux dispositions de la directive du 23 avril 2009 en ce qu’elles fixent des critères « critères objectifs, transparents et non-discriminatoires » pour définir le périmètre des ouvrages de raccordement. B. Le rachat des énergies renouvelables Le soutien aux énergies renouvelables passe également par une obligation d’achat de l’électricité issue de sources d’énergie renouvelable. Cet encouragement peut être problématique dès lors qu’il permet de favoriser les producteurs d’énergie renouvelable. Plusieurs dispositions fixaient ainsi le régime applicable en matière de rachat de l’électricité de l’énergie éolienne . Ils prévoyaient notamment l’obligation pour les opérateurs de distribution d’électricité, l’obligation d’acheter l’électricité éolienne à un prix plus élevé que le prix du marché. Ce mécanisme a fait l’objet d’une contestation au motif qu’une telle mesure constituait une aide d’état. Quatre conditions doivent être réunies pour qu’il y mesure puisse être qualifiée d’aide d’état : intervention de l’Etat ou au moyen de ressources de l’Etat, intervention susceptible d’affecter les échanges entre EM, accorder un avantage à son bénéficiaire, fausser ou menacer de fausser la concurrence. Cette question a été soumise au Conseil d’Etat qui posé une question préjudicielle à la CJUE. Cette dernière a effectivement considéré que ce mécanisme constituait une aide d’Etat . Toutefois, la Commission Européenne, soucieuse de favoriser le développement des énergies renouvelables a considéré dans une communication du 27 mars 2014, que le nouveau régime français octroyant un soutien à la production d'électricité à partir d'éoliennes terrestres était compatible avec les règles de l'Union relatives aux aides d'État. Le Conseil d’Etat était néanmoins tenu de suivre l’interprétation jurisprudentielle de la CJUE et il a donc déclaré les dispositions comme étant illégales dès lors qu’elles n’avaient pas été notifiées à la Commission Européenne . Un nouvel arrêté a été édicté et soumis à la Commission qui a confirmé la validité du mécanisme permettant de favoriser les énergies issues des éoliennes terrestres . Les installations éoliennes réalisées après le 1er juillet 2014 peuvent bénéficier de ces contrats à des prix plus élevés que ceux du marché.

3. Approvisionnement et maîtrise de la consommation énergétique :

A. Le contentieux de l’urbanisme Le développement des réseaux énergétiques est nécessairement soumis au respect des règles de l’urbanisme. La création d’un réseau énergétique va donc soulever de nombreux contentieux dont les règles se dégagent progressivement. L’implantation d’une éolienne ou d’un parc éolien est soumise à autorisation et nécessite un permis de construire. La contestation d’un permis de construire est en principe réservée aux requérants qui disposent d’un intérêt personnel et direct à agir. Toutefois, cet intérêt à agir est apprécié in concreto par le juge qui prend en compte la nature du projet en cause pour déterminer les personnes qui disposent d’un tel intérêt. Ainsi, un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nancy précise les règles d’appréciation de la recevabilité du recours dirigé contre un permis de construire autorisant la réalisation d’un parc éolien . Une commune a émis un permis de construire pour un parc éolien. La collectivité défenderesse invoquée le manque d’intérêt à agir de la commune voisine. La cour n’a pas suivi son argumentaire et a reconnu l’intérêt à agir de la commune requérante au motif que les éoliennes créaient une concurrence visuelle qui portait atteinte à son activité touristique et à son paysage. L’intérêt à agir doit donc s’apprécier en prenant en considération l’ampleur du projet ainsi que le risque de nuisance apportée au développement touristique et au paysage. Le juge administratif a également été saisi d’une demande en annulation d’un permis de construire d’un parc éolien dont le raccordement et le câblage ne bénéficiait pas d’une autorisation d’occupation du domaine public. La Cour administrative d’Appel de Douai avait prononcé l’annulation du permis de construire du parc éolien au motif que la société pétitionnaire ne justifiait pas de l’obtention d’une autorisation d’occupation administrative pour le passage des câbles de raccordement au réseau électrique. Le Conseil d’état annule l’arrêt de la CAA de DOUAI au motif que l’installation n’est pas réalisée sur le domaine public. Le passage des câbles permettant le raccordement du parc éolien est donc une opération distincte qui est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire. C’est uniquement lorsque l’installation empiète sur le domaine public qu’une autorisation sera nécessaire . C’est également posé la question de la qualification juridique du parc éolien. En effet, le Conseil d’état a reconnu le caractère d’intérêt public des éoliennes qui contribue à la satisfaction d’un intérêt public et au besoin collectif par la production d’électricité destinée au public .Elles doivent donc être qualifiées d’équipement public. En application de l’article L.145-3 III du Code de l’urbanisme, il existe une obligation d’urbaniser les villes en continuité. Cette obligation s’applique notamment aux équipements publics mis en place. Toutefois, au regard de la nuisance sonore engendrée par cette installation, l’obligation d’urbanisation en continuité ne peut s’appliquer et l’implantation doit donc être éloignée des zones habitables .

B. Le raccordement et l’approvisionnement du réseau Les producteurs et fournisseur du réseau électrique sont soumis à des règles strictes et doivent notamment répondre à des obligations de capacités. Cette obligation, instaurer dans la loi NOME du 7 décembre 2010, vise à assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité aux consommateurs. Cette obligation est imposée en contrepartie de l’accès régulé à l’électricité nucléaire à un prix régulé pour les fournisseurs d’électricité. Ils peuvent s’acquitter de cette obligation de fourniture soit à travers la présentation de capacités d’effacement, soit à travers la réservation de capacités de production. L’effacement est un outil qui vise à assurer l’équilibre du système électrique européen. Les opérateurs d’effacement agissent sur le marché d’ajustement afin de corriger les écarts énergétiques qui pourraient déséquilibrer le système électrique. Les opérateurs agissent sur une population donnée pour réduire la surconsommation électrique et obtenir des blocs qui peuvent par la suite être cédés. Les opérateurs d’effacement peuvent en effet céder ces capacités aux fournisseurs afin qu’ils puissent répondre à leurs obligations de capacités de fourniture électrique.