La publication sur son site internet d’une décision condamnant un concurrent peut-elle être assimilée à un acte de dénigrement ?

Cass. com. 18-10-2017 n° 15-27.136 F-PB, Sté Normalu c/ Sté Newmat En vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, les entreprises peuvent librement se faire concurrence, en vertu des lois de 1791. Toutefois il arrive que certaines d’entre elles abusent de ce droit à une concurrence libre, on parle alors de concurrence déloyale. Il conviendra donc de revenir en premier lieu sur la définition même du dénigrement (i), avant de se pencher plus amplement sur ladite décision du 18.10.2017 de la Cour de Cassation (ii). (i) Le dénigrement, rappelons-le, consiste à jeter le discrédit sur un concurrent en répandant sur lui, dans le public, des informations malveillantes sur ses produits, son travail ou sa personne.

La Cour de cassation a dû se prononcer sur le comportement d’une victime de contrefaçon qui a décidé de publier sur son site internet une décision condamnant son concurrent alors que le juge n'a pas ordonné cette mesure. Il sera rappelé qu’en cas de condamnation pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise et aux frais du contrefacteur (CPI art. L 615-7-1, al. 2 et 3).

Une décision devenue irrévocable condamne une société pour contrefaçon d'un brevet et ordonne la publication de son dispositif dans trois journaux ou périodiques au choix de la victime. Celle-ci substitue à cette mesure une mise en ligne du jugement sur son site internet pendant un peu plus de deux mois. Estimant que cette mise en ligne constitue un acte de dénigrement à son égard, l'auteur de la contrefaçon demande des dommages-intérêts à la victime.

Toutefois, la victime commet une faute si elle y ajoute une mention qui augmente l'effet de la publicité donnée au jugement La Cour de cassation précise tout d'abord que les décisions de justice étant publiques, les dispositions de l'article L 615-7-1 précité n'excluent pas, sauf abus, le droit pour la victime de procéder à ses propres frais à toute autre mesure de publicité de la condamnation prononcée à son bénéfice.

Elle retient toutefois l'existence d'un acte de dénigrement à l'égard de l'auteur de la contrefaçon : la reproduction du dispositif du jugement comportait deux différences avec le texte original dont l'une, qui résultait de l'ajout du nom de la marque sous laquelle l'auteur de la contrefaçon commercialisait ses produits, était fautive car elle augmentait l'effet de la publicité donnée au jugement au-delà des limites résultant des termes mêmes de son dispositif.

En définitive, la publicité ne doit pas être effectuée dans des conditions fautives qui pourraient être qualifiées de dénigrement, sous peine d'engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur.