Chasse aux pires « passoires thermiques » : l’écologie comme finalité ou moyen ?

Encore de nos jours, il n’est pas rare de voir passer des offres de location pour des logements dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) est classé F ou G, pour « très peu performants » et « extrêmement peu performants » au sens de l’article L173-1-4 du Code de la construction et de l’habitation.

Il s’agit de logements fortement gourmands en électricité et en gaz occasionnant des factures d’énergie très élevées.

Les propriétaires bailleurs de tels biens sont d’autant moins tentés d’en améliorer la performance que le marché locatif de la ville est tendu.

Cette configuration les place en effet en position de force face à des locataires qui donnent généralement la priorité à l’emplacement du bien voire à l’urgence de trouver un toit.

Si, depuis le 1er janvier 2022, les particuliers ont l’obligation de faire figurer dans leur annonce les résultats du DPE du bien qu’ils proposent à la location, ce critère détermine encore peu la signature d’un contrat de location.

La « valeur verte » du logement pèse davantage lors de sa revente.

Il fallait donc aller plus loin qu’une simple information éclairée des locataires.

La prétendue prise de conscience écologique de l’Etat s’est révélée déterminante.

Sous couvert de lutte contre le réchauffement climatique, dont les effets ne peuvent être enrayés à court terme, le législateur a entendu améliorer immédiatement le pouvoir d’achat des locataires, menacé par la flambée des prix de l’énergie, et leur confort de vie.

Cette évolution se matérialise en pratique par la création de nouvelles obligations et interdictions à la charge du bailleur.

L’idée est d’entraver progressivement la location des passoires thermiques et d’inciter le propriétaire à investir dans les travaux de rénovation pour recouvrer une totale liberté de contracter.

Il s’agit d’une stratégie en deux temps.

Depuis le 24 août 2022, date d’entrée en vigueur de la Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « Loi Climat », les loyers des logements étiquetés F ou G qu’ils soient nus ou meublés ne peuvent plus être augmentés et ce, nonobstant la stipulation d’une clause de révision annuelle dans le contrat.

L’interdiction de la hausse des loyers affecte à la fois les contrats conclus à partir du 24 août 2022 et ceux déjà en cours, au moment de leur reconduction ou de leur renouvellement.

Et pour cause, ces deux dernières hypothèses s’analysent en la création d’un nouveau contrat, qu’il soit différent ou identique au précédent.

A partir du 1er janvier 2023, soit dans deux mois, les logements dont la consommation d’énergie dépasse les 450 kWh par m² et par an ne pourront tout simplement plus être mis en location : il s’agit de l’actuelle classe G.

La Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 applicable aux baux d’habitation dispose en son article 6 que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent répondant, notamment, à un critère de performance énergétique minimale.

A compter de l’année prochaine, le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent appelé aussi « décret décence » comportera un nouvel article 3 bis rédigé comme suit :

« En France métropolitaine, le logement a une consommation d'énergie, estimée par le diagnostic de performance énergétique défini à l'article L. 134-1 du code de la construction et de l'habitation, inférieure à 450 kilowattheures d'énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. »

La création de ce seuil d’indécence énergétique facilitera l’appréciation du caractère décent ou non du logement loué qui, jusqu’ici, était laissé à l’appréciation souveraine du juge.

A partir de 2025, l’interdiction des locations ne s’exprimera plus en termes de kWh mais en lettres DPE, suivant le calendrier suivant :

• Toutes les lettres G en 2025 • Toutes les lettres F en 2028 • Toutes les lettres E en 2034

Il est toutefois regrettable que ces règlementations ne s’appliquent qu’au parc locatif privé, soit 22% du parc résidentiel en France, et que ni les logements sociaux ni les locations saisonnières à vocation touristique ne soient concernées par ce dispositif particulièrement vertueux dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Ecran de fumée ou réelle prise de conscience écologique, nous sommes obligés d’admettre que cette finalité permet des avancées sociales concrètes et immédiates.

Louise ROUSSELET