Lumière sur la nouvelle procédure de divorce judiciaire

Le bilan de la procédure de divorces judiciaires n’était pas positif : une procédure trop compliquée, des délais insupportables pour des justiciables vivants des situations pouvant être qualifiées de « cataclysmes personnels » (en moyenne 27 mois) et un coût financier non maîtrisable.

C’est pour mettre fin à ce constat que la loi du 23 Mars 2019, dite de programmation et de réforme de la justice, a été adoptée afin de « simplifier pour mieux juger ».

Sa mise en œuvre a été rendue possible par la publication de plusieurs décrets, respectivement des 17 décembre 2019 et 27 Novembre 2020 aboutissant à l’entrée en application de la réforme au 1er janvier 2021.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2021, voici les éléments procéduraux qui se trouvent changés :

• Une procédure unifiée par la rédaction d’un seul et unique acte de saisine.

• La suppression de l’audience sur tentative de conciliation

• Le ministère de l’avocat rendu obligatoire en défense comme en demande et ce tout au long de la procédure

• L’exigence d’une seule année de séparation pour divorcer sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal

• La possibilité de solliciter la prise d’effet des mesures provisoires à compter de la demande en divorce

• La possibilité de solliciter la prise d’effet du divorce, dans les rapports patrimoniaux entre époux, à compter de la demande en divorce

Parmi les axes de réforme nous avons choisi de nous focaliser sur trois points qui intéresseront particulièrement les justiciables dans la compréhension et maitrise de leur procédure :

• La réforme du divorce pour altération définitive du lien conjugale • La compréhension du déroulé de la procédure • Les craintes et risques de cette réforme

I – LA REFORME DU DIVORCE POUR ALTERATION DEFINITIVE DU LIEN CONJUGAL

La réforme de ce fondement a son importance dans la mesure où il s’agit du fondement le plus usuellement utilisé lorsque le couple fait le constat d’échec de son mariage, sans pour autant vouloir reprocher une faute à l’autre.

Or, avant l’entrée en vigueur de la réforme, les époux ne pouvaient introduire de demande en divorce, postérieurement à l’audience sur tentative de conciliation, que si, à la date d’introduction de la demande, ils vivaient séparés de corps depuis 2 ans.

Cette exigence légale était particulièrement lourde de conséquences, notamment financières, car les époux avaient rarement le temps et les moyens de trouver deux logements différents.

Avec la loi du 23 mars 2019, ce délai a été raccourci à un an.

Autrement dit, l’époux qui souhaite divorcer sur ce fondement devra être séparé de corps depuis un an seulement de son conjoint.

II – COMMENT VA SE DEROULER LA PROCEDURE DE DIVORCE ?

La saisine du Juge aux affaires familiales se fera désormais par un acte unique rédigé par l’avocat du demandeur : soit une assignation, soit une requête.

L’avocat du demandeur sollicitera du greffe la communication d’une première date qui constituera une date d’audience d’orientation.

Le dépôt de cet acte auprès du greffe du tribunal enclenchera la procédure qui se déroulera jusqu’au rendu du jugement de divorce.

Contrairement à ce qui avait lieu auparavant, les époux ne sont donc plus contraints de ressaisir le Juge après l’ordonnance sur tentative de conciliation ainsi que l’expiration du délai légal en cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Si l’audience sur tentative de conciliation a disparu dans sa forme antérieure, il est toujours bien évidemment possible de solliciter du juge la fixation de mesures provisoires.

Celles-ci seront alors évoquées lors de l’audience d’orientation, lors de laquelle il sera statué sur les mesures provisoires.

Le reste de la procédure se poursuit comme une procédure civile classique et se termine par l’audience de jugement et le jugement de divorce.

Bien évidemment, pendant toute la durée de la mise en état, les parties construisent leur défense et échangent leurs arguments par le biais des conclusions établies par leurs avocats.

Si le but premier de cette réforme était de simplifier la procédure afin de permettre un meilleur traitement et plus rapide des affaires, force est de constater qu’elle modifie en profondeur les règles procédurales jusque-là applicables.

Il est dès lors important d’envisager les risques et écueils que pourrait présenter la nouvelle procédure de divorce.

III – LES CRAINTES ET RISQUES DE CETTE REFORME

En premier lieu, l’amplification du formalisme de la procédure par l’exigence d’un acte unique introductif d’instance, pourrait engendrer une conflictualisation du divorce.

En effet, le respect de ces nouvelles règles oblige le demandeur à faire connaitre, dès l’assignation, ses intentions sur les conséquences du divorce.

Auparavant, les débuts de la procédure ne concernaient que la gestion de la vie des époux pendant le déroulé de la procédure, par le biais des mesures provisoires.

Ce n’était qu’une fois l’ordonnance statuant sur ces mesures rendue que les époux se penchaient alors sur les conséquences personnelles et patrimoniales de leur divorce.

En exigeant que les parties se positionnement sur ces conséquences dès l’acte introductif, il est à craindre un gel des relations et de la communication entre les parties.

Il appartiendra alors aux Conseils des parties de tenter de pacifier une relation par principe d’ores et déjà sensible.

En deuxième lieu, le demandeur devra, dès son acte introductif d’instance, prendre en considération la situation financière et patrimoniale de son conjoint pour solliciter des mesures accessoires au divorce.

Or, ce travail pourrait se révéler particulièrement compliqué lorsque l’époux demandeur n’a pas accès à ce type d’information.

Une fois encore, l’intervention des Conseils pourra se révéler indispensable en ce qu’ils permettront une meilleure circulation des informations entre les parties..

En dernier lieu, cette réforme ne pourra véritablement produire ses effets que si les délais des juridictions relatifs tant à la première audience d’orientation qu’au suivi de la mise en état du dossier sont plus rapides que précédemment.

En conclusion, cette réforme se révélait indispensable compte tenu de la complexité et lenteur de la procédure de divorce applicable jusque-là.

Elle comporte néanmoins quelques aspects négatifs que les parties, accompagnées de leur Conseil, prendront le soin d’éviter.

Cécile CREVANT