Sport en France : la course à la démocratisation en pleine accélération

Pour Gandhi « La démocratie devrait assurer au plus faible les mêmes opportunités qu'au plus fort. »

Introduite dans le sport, elle devrait de la même manière rendre la pratique des activités physiques et sportives accessible au plus grand nombre.

C’est en tout cas dans cet état d’esprit qu’une proposition de loi visant à démocratiser le sport en France a été déposée le 26 janvier 2021.

Cette proposition incarne trois ambitions pour lesquelles la démocratie sert de fil rouge conducteur : celles de développer la pratique du sport, de réformer la gouvernance des fédérations sportives et de pérenniser un modèle économique vertueux au secteur.

Et pour cause, chacun de ces trois volets sert à sa façon l’un des quatre principes universels de la République française dont la devise rappelle qu’elle est indivisible, laïque, démocratique et sociale.

Tandis que la parité et la transparence sont les leviers principaux de la réformation du modèle de gouvernance du sport, la démocratisation de sa pratique passe également par une prise de conscience de son objet de santé publique.

Dans cette loi, il ne s’agit plus seulement de rendre le sport populaire en essayant d’en réduire le marquage social, il s’agit ici de rompre les inégalités d’accès reposant sur l’état de santé physique ou mentale des personnes.

A l’aune de la rédaction de cette proposition, son auteur la députée Céline Calvez a pu se faire le constat du paradoxe suivant : alors que l’injonction à la santé et au bien-être n’a jamais été aussi forte dans notre société, la pratique du sport peine à s’ouvrir aux personnes dont l’état de santé la rend, de fait, plus difficile, mais pas moins essentielle.

Bien au contraire, dès lors que l’on connaît le bénéfice du sport dans la prévention ou le traitement des maladies chroniques, dit sport « médicament ».

Ainsi, ladite proposition prévoit qu’un décret fixe la liste des maladies chroniques, des facteurs de risque et des situations de perte d’autonomie ouvrant droit à la prescription d’activités physiques adaptées, de façon à élargir considérablement les personnes éligibles au sport sur ordonnance, que l’article L. 1172‑1 du Code de la santé publique (CSP) cantonnait jusqu’alors aux personnes atteintes d’une affection de longue durée :

« Dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d'une affection de longue durée, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient. »

Parmi les maladies chroniques, l’on peut notamment citer l’obésité qui touche des millions de français.

Non seulement la pratique du sport doit être comprise comme un objet de santé publique, mais elle doit également être équitable et en ce sens, à la portée de tous y compris ceux qui en sont le plus éloignés.

Or, le sport se pratique dès le plus jeune âge à l’école, puis au collège et au lycée, là où certains enfants et adolescents atteints d’un handicap ne peuvent être scolarisés.

Cette proposition envisage ainsi de faire venir le sport dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS) en l’élevant au rang de mission d’intérêt général et en prévoyant la désignation d’un « référent sport » dans chacun de ces établissements.

Mais alors que la santé est l’affaire de tous, démocratie et sport divisent l’opinion lorsqu’il est question de la place de la religion dans le cadre des pratiques sportives.

Sujet ô combien épineux et d’actualité depuis la manifestation des « Hijabeuses », la proposition de loi de Madame Calvez n’évoque pas clairement la laïcité et se contente d’un simple renvoi à la loi sur les valeurs de la république.

Faut-il en déduire que le principe constitutionnel de neutralité de l’Etat, garant d’une égalité de traitement des citoyens sans distinction de culte, n’est pas transposable au sport ?

Nous sommes tentés de nous interroger dès lors que tous les amendements déposés en vue d’interdire les signes religieux ostensibles lors de compétitions sportives ont été rejetés au cours de l’examen de la proposition.

Dernier point de désaccord entre députés et sénateurs en dépit de la réunion d’une commission mixte paritaire, l’examen de la proposition de Loi visant à démocratiser le sport en France a été examinée ce mercredi 16 février 2022 dans le cadre d’une procédure accélérée engagée par le Gouvernement.

Dispositif dérogatoire aux mains du pouvoir exécutif destiné à abréger la discussion parlementaire d’un projet ou d’une proposition de loi, il est regrettable que ce sujet brûlant et clivant de la laïcité, corolaire de notre démocratie Républicaine dont il soulève de fait la question, finisse par sortir du circuit de la « navette » classique situé pourtant au cœur de l’esprit de cette même démocratie Républicaine.

Affaire à suivre.

Louise ROUSSELET