Sur l’obligation d’information et de conseil du Notaire

Cour de Cassation, Chambre Civile 1, 11 mars 2020 n°18-25994

La responsabilité du Notaire chargé d’une vente immobilière n’est pas un enjeu nouveau tant elle est fréquemment engagée. Il est aujourd’hui impossible de contester que cet Officier Ministériel est chargé d’un pouvoir donné par ses clients, lesquels se reposent sur lui pour toutes les investigations rendues nécessaires par la vente ou l’acquisition d’un bien immobilier.

Mais si cette responsabilité n’est pas contestable, certains contours se dessinent et des limites apparaissent.

1/ L’obligation d’information et de Conseil du Notaire, un principe établi

Il convient tout d’abord de rappeler que la jurisprudence a construit autour de l’article 1240 du Code Civil (1382 anc.) les fondements de cette responsabilité en indiquant que le Notaire ne saurait en aucun cas se contenter d’une simple information et qu’une véritable obligation de Conseil pèse sur lui à l’égard de son client (et de son client uniquement, sa responsabilité à l’égard des tiers ayant été écartée). Le Notaire est ainsi tenu de réaliser toutes les investigations nécessaires à la réalisation dans de bonnes conditions de l’opération pour laquelle il a été mandaté. La jurisprudence entérine ce principe en précisant que le Notaire ne peut en aucun s’exonérer de sa responsabilité au seul motif que l’information est accessible aisément à toute personne et que le vendeur ou l’acquéreur auraient pu y avoir accès sans son appui. La responsabilité du Notaire paraît donc extrêmement large.

2/ Le nécessaire rappel à l’évidence de la Cour de Cassation

Par un arrêt du 11 mars 2020 la Cour de Cassation a eu l’occasion d’en définir quelque peu les limites. En effet, dans cette affaire la vente de terrains devait être régularisée en vue de la création d’une ZAC (Zone d’Aménagement Concerté). Toutefois, la constestation des décisions administratives qui attribuaient à l’acquéreur la qualité d’aménageur ont contraint celui-ci a solliciter auprès du vendeur le délai de régularisation de la vente prévu initialement au compromis de vente. Ce que le vendeur à expressément refusé, provoquant ainsi l’échec de la vente. Ce dernier n’a pas manqué d’engager la responsabilité du Notaire chargé de la vente en invoquant la perte de chance de vendre ses terrains à des conditions plus avantageuses. Suivant cet argument la Cour d’appel a condamné le Notaire à verser au vendeur la somme de 451. 557,00€ à titre de dommages intérêts.

La Cour de Cassation a toutefois justement rappelé que « en toute hypothèse, le défendeur à une action en responsabilité ne peut être tenu de réparer un préjudice volontairement provoqué par la victime » et considéré qu’en conséquence la décision de la Cour d’appel était infondée. En l’espèce la Cour a considéré que le préjudice subi par le vendeur résultait, non du défaut d’information du Notaire, mais bien du refus du vendeur de reporter la vente au profit de l’acquéreur qui l’avait sollicité.

Il en résulte un principe majeur : celui qui se prétend victime de l’échec d’une opération immobilière ne peut en faire supporter la responsabilité au Notaire dès lors qu’il a lui-même provoqué l’échec de cette vente.

Si une telle décision peut paraître évidente elle n’en demeurait pas moins nécessaires car l’enjeu de la responsabilité des Notaires et l’absence de règles édictées par les textes de Loi en la matière, font peser sur les Juges la nécessité de définir cette responsabilité et bien sûr d’en tracer les limites.