La caution et la disproportion: Nouvelle précision sur l'appréciation de la proportionnalité entre l’engagement de la caution et ses biens et ses ressources

L’article L 332-1 du Code de la consommation (ancien article L. 341-4) dispose qu’« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci s’engage, lui permette de faire face à son obligation ».

Il incombe à la caution d’apporter la preuve de la disproportion de son engagement en qualité de caution, en application de l’article 1315 alinéa 2 du Code civil.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a dû se prononcer le 21 novembre 2018 sur les divers arguments soulevés par la caution pour tenter de se libérer de ses cautionnements, ou à tout le moins de limiter le montant de ce qui est dû (Cass. com., 21 nov. 2018, no 16-25128, M. Y-Z c/ Sté Banque Tarneaud, PB).

Parmi les différents points abordés, un ne peut qu’attirer notre attention. Il concerne l'appréciation de la proportionnalité du cautionnement souscrit par une personne physique au bénéfice d'une personne morale.

Si la disproportion d’un cautionnement doit être appréciée en prenant en considération l’endettement global de la caution, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, il ne peut être tenu compte d’un cautionnement antérieur que le juge déclare nul, et qui est ainsi anéanti rétroactivement.

Autrement, il faut être en mesure de pouvoir apprécier le caractère disproportionné ou non du cautionnement souscrit.

A cet égard, il convient de rappeler que l'on doit se placer au jour de la souscription de l'engagement de caution.

En d'autres termes, c'est par rapport au patrimoine et aux revenus de la caution à cette date que se fera l'appréciation.

Le créancier qui exige un cautionnement à caractère excessif commet un abus. La difficulté sera de savoir à partir de quel moment ce cautionnement devient excessif. C’est sur ce point que la Cour de cassation dans son arrêt du 21 novembre 2018, a apporté un élément de réponse.

Il est acquis depuis longtemps que les engagements de caution précédemment souscrits par la caution doivent être également pris en compte comme « passif » de la caution. Cette solution est communément admise dans la mesure où ces engagements ne sont pas nécessairement exigibles au jour de prise du cautionnement, mais pourraient être amenés à le devenir. Mais la Cour de cassation a été amenée à s’interroger sur le fait de savoir si un cautionnement qui a été postérieurement annulé doit être pris en compte.

En l’espèce, une personne a souscrit plusieurs cautionnements au profit d’une banque en garantie de crédits accordés à une société, qui a ensuite été mise en liquidation judiciaire. Après avoir été actionnée par le créancier, la caution a fait valoir le moyen du cautionnement disproportionné devant les tribunaux.

Son argument principal était que la disproportion d’un cautionnement devait s’apprécier en considération de tous les engagements souscrits par la caution envers le créancier, même s’ils ne sont pas mentionnés dans la fiche de renseignement complétée par la caution. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en énonçant que « si la disproportion doit être appréciée en prenant en considération l’endettement global de la caution, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, il ne peut être tenu compte d’un cautionnement antérieur que le juge déclare nul, et qui est ainsi anéanti rétroactivement ».

La Cour estime ainsi que compte tenu de l'effet rétroactif de l'annulation du cautionnement antérieur, il n'y a pas lieu de prendre en considération un engagement qui n'a juridiquement jamais existé. Cet arrêt présente aussi l'intérêt de rappeler aux cautions la rigueur dont ils doivent faire montre dans leurs allégations dès lors que l'accumulation des moyens de défense ne constitue pas un gage de succès.