Licéité d’un cautionnement à durée indéterminée donné par un époux au profit d’un professionnel et caractère disproportionné.

Cass. com. 15-11-2017 n° 16-10.504 F-PBI, X. c/ Sté Brunet et fils

Dans une décision de la Cour de cassation du 15 novembre 2017, la chambre commerciale a énoncé que le cautionnement consenti à durée indéterminée par une personne physique envers un créancier professionnel est valable. Elle a également jugé que la disproportion manifeste de l’engagement de la caution devait s’apprécier en prenant en considération les biens communs. Plus précisément, un époux se porte caution solidaire du paiement de factures dues par une société à l’un de ses fournisseurs. Appelé à exécuter son engagement après la mise en liquidation judiciaire de la société, l’époux prétend que son engagement est nul car d’une durée indéterminée et disproportionné au regard de ses biens et revenus. Par un arrêt du 15 novembre 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation écarte ces deux arguments.

1- Sur la question du cautionnement à durée indéterminée

A peine de nullité, toute personne physique qui s’engage par acte sous signature privée en qualité de caution envers un créancier professionnel doit faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de X, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même » (C. consom. art. L 331-1 et art. L 343-1, ex-art. L 341-2). Il a été jugé que le cautionnement consenti à durée indéterminée par une personne physique envers un créancier professionnel est licite. La mention manuscrite, apposée en l’espèce par l’époux, relative à la durée de ses engagements, stipule que le cautionnement est consenti « jusqu’au paiement effectif de toutes les sommes dues », qu’ainsi, dès lors que cette mention ne modifiait pas le sens et la portée de la mention manuscrite légale, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que les cautionnements litigieux n’étaient pas entachés de nullité pour violation de l’article L 341-2 du Code précité. C'est la première fois que la Cour de cassation se prononce expressément sur la validité d’un cautionnement à durée indéterminée donné par une personne physique à un créancier professionnel depuis l’entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003. La mention manuscrite « jusqu’au paiement effectif des sommes dues » est valable. En effet cette mention est suffisante à éclairer le consentement de la caution sur la durée de son engagement. Cela étant, la Cour de cassation ne tranche pas la question de la validité des cautionnements d’un montant illimité.

2- Appréciation de la proportionnalité du cautionnement donné par un époux sans l’accord de l’autre

Il sera rappelé qu’un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation (C. consom. art. L 332-1 ; ex-art. L 341-4). L’époux caution soutenait que, en cas d’engagement de caution souscrit par un seul des époux mariés sous le régime de la communauté, sans l’accord exprès de l’autre, la disproportion de son engagement ne peut être appréciée que par rapport à son patrimoine et ses revenus propres, à l’exclusion des biens communs, lesquels sont hors d’atteinte du créancier en vertu de l’article 1415 du Code civil (aux termes duquel chacun des époux mariés sous un tel régime ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres). La Haute Juridiction a énoncé que, la disproportion manifeste de l’engagement de la caution s’appréciant, selon l’article L 341-4 du Code de la consommation, par rapport, notamment à ses biens, sans distinction, c’est à bon droit que la Cour d’Appel a retenu que celui du demandeur, dépendant de la communauté, devait être pris en considération, quand bien même il ne pourrait être engagé pour l’exécution de la condamnation éventuelle de la caution, en l’absence du consentement exprès du conjoint donné conformément à l’article 1415 du Code civil. Dès lors, tous les biens de la caution, propres et communs, ainsi que les revenus doivent donc être pris en considération pour évaluer un cautionnement disproportionné au moment de sa conclusion et aussi pour contrôler si, au moment où la caution est appelée à payer, elle est en mesure de faire face à son engagement, sans qu’il soit nécessaire de savoir si le conjoint a donné son consentement ou non.