La clause de non concurrence prévue au contrat de travail

Il est fréquent qu'un employeur souhaite se prémunir des agissements d'un salarié susceptibles de porter atteinte aux intérêts de son entreprise par l'insertion au contrat de travail les liant d'une clause visant à limiter la liberté de celui-ci de pouvoir exercer, à l'issue de son contrat, des fonction équivalentes chez un concurrent ou pour son propre compte.

Cette clause a donc clairement pour effet de restreindre, non seulement la liberté du travail du salarié, mais également sa liberté d'entreprise. Ce pourquoi elle est strictement encadrée, tant dans ses conditions d'application que ses effets. La Cour de Cassation est d'ailleurs régulièrement saisie de difficultés issues de la rédaction ou de manquements dans la mise en œuvre de ces clauses. Elle s'est récemment prononcée, par un arrêt du 17 février 2021, sur les effets de celles-ci dans le cas de la survenance d'une transaction conclue en termes généraux entre l'employeur et le salarié.

1/ La cas particulier de la clause de non-concurrence en cas de transaction écrite en termes généraux entre l'employeur et le salarié

Dans les faits soumis à la Cour, une salariée qui contestait le bienfondé de son licenciement pour motif personnel était parvenu à la conclusion d'un accord avec son employeur aux termes duquel elle s'était engagée en des termes généraux à « expressément renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature qu'elle soit, pouvant avoir pour cause, conséquence ou objet, directement ou indirectement, l'exécution ou la cessation des fonctions qu'elle a exercées au sein de la société ou du groupe auquel elle appartient» et « renoncer à toute action ou instance liée à la rupture de son contrat de travail, indiqué n'avoir plus aucune demande à formuler à quelque titre que ce soit et a renoncé à toute instance ou action judiciaire relative au présent litige » A la suite de cette transaction intervenue, la salariée revendiquait devant le Conseil des Prud'hommes le versement par son ancien employeur de l'indemnité pécuniaire liée à l'application de la clause de non-concurrence à laquelle elle était toujours soumise.

Si les juges du fond ont réalisé une interprétation limitée au contrat relevant que la transaction survenue ne réglait pas spécifiquement la difficulté liée à la clause de non-concurrence et que cette dernière produisait toujours ses effets, elle devait donner lieu à contrepartie financière de l'employeur. Une solution contestée par la Cour de Cassation qui a considéré que la salariée ne pouvait valablement solliciter de contrepartie financière à l'application de la clause dont elle était tenue dès lors que celle-ci était d'ores et déjà comprise dans l'objet de la transaction intervenue.

Ainsi, la Cour qui s'est attachée à rappeler que la transaction, rédigée en termes généraux, a vocation a emporter dans leur objet « la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu » selon les termes de l'article 2048 du Code Civil.

Cette décision s'inscrit dans le courant jurisprudentiel de la Cour qui avait antérieurement considéré que l'intervention d'une transaction, même rédigée en termes généraux, vise à clore tous les litiges nés de la relation contractuelle et fait échec à toute réclamation qu'elle soit relative à l'exécution ou la rupture du contrat de travail (Cour de Cassation, Chambre sociale, 20 février 2019, n°17-19.676). De cette manière, la Cour de Cassation met l'accent sur l'importance de la sécurité juridique des transactions, peu importe la clause de non concurrence prévue au contrat. Cet arrêt démontre cependant toute l'importance pour l'employeur et le salarié de bien maîtriser le périmètre ainsi que les enjeux de la clause de non-concurrence les liant.

Les rappels récurrents formés par la Cour de Cassation sur ce sujet sont pourtant révélateurs le manque d'attention porté à ces clauses qui ont une incidence conséquente tant pour le salarié dont les possibilités de réemploi sont impactées que pour l'employeur qui en supporte la charge financière bien après la rupture du contrat du travail. Cet arrêt est donc l'occasion de revenir sur les conditions de validité de la clause de non-concurrence, qui ne doit en aucun cas être négligée.

2/ Rappel sur les conditions de validité de la clause de non-concurrence

Il importe avant tout de préciser que ce type de clause a pour seul objectif de prémunir l'entreprise de la fuite de ses savoirs. Ainsi, tous les contrats de travail n'ont pas vocation à être affectés par une clause de non-concurrence. Elle présuppose ainsi que le salarié dispose d'un savoir-faire élevé ou de compétences spécifiques, qui s'ils devaient être transmis à un concurrent, serait de nature à mettre en péril l'entreprise. Concernant les conditions de validité de ces clauses, la jurisprudence est ancrée de longue date mais la Cour de Cassation a effectué un nécessaire rappel par plusieurs arrêts datés du 10 juillet 2002 (Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2002, n°00-45135 et n° 99-43.334 à 99-43.336). Cette dernière rappelle ainsi que pour être licite une clause de non-concurrence doit impérativement répondre à quatre critères cumulatifs : Ø Elle doit avant tout être indispensable à la protection des intérêts de l'entreprise Ø Elle doit être limitée dans le temps et dans l'espace Ø Elle doit tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié Ø Elle doit faire l'objet d'une contrepartie pécuniaire de la part de l'employeur : Les juridictions réalisent une appréciation casuistique de chaque clause qui leur est soumise. En effet, s'il n'existe pas de barème préétabli permettant de déterminer le montant de cette contreparties, les juridictions s'assurent qu'elles sont suffisantes au regard des restrictions imposées au salarié.

In fine, tout est question d'équilibre. La validité de ces clauses résulte plus de sa juste proportion entre le respect de la liberté de travail du salarié et de la protection de l'entreprise que de critères définis avec précisions. Si toute entreprise doit légitimement assurer la protection de son savoir-faire, il n'est nullement question d'empêcher le salarié de pouvoir exercer librement une activité confirme à ses compétences et sa formation.

En cas de non-respect des conditions précitées, toute clause pourrait être sanctionnée d'inopposabilité et se voir privée de l'ensemble de ses effets.

L'importance de la rédaction des clauses de non-concurrence constitue donc un enjeu fondamental. Rappelons enfin que ces clauses ne doivent pas être confondues avec les clauses d'exclusivité ou de secret professionnel, de même que tout salarié, qu'il soit ou non soumis à une clause de non-concurrence est soumis envers son employeur à une obligation de loyauté et de fidélité.

Elise PERONO