Cheval : être ou ne pas être ?

La loi °2015-177 du 16 février 2015 a marqué un tournant dans l’histoire du droit animalier. La prise en compte de la sensibilité de l’animal, et donc de sa souffrance, rendait son statut juridique de « bien meuble » inévitablement obsolète et inappropriée à la société contemporaine.

Avant que cette loi n’entre en vigueur, l’article 528 du Code civil était alors rédigé ainsi :

« Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère. » Depuis sept années déjà, ce qui paraît beaucoup et peu à la fois, les animaux sont considérés comme des « êtres vivants doués de sensibilité. » ainsi qu’en dispose l’article 515-14 du Code civil. Intitulé très prometteur… si l’on s’abstient de lire la suite.

La consécration législative de ce nouveau statut se poursuit en effet ainsi : « Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. »

Le cheval, pour ne citer que lui, continue donc d’être assujetti aux règles de droit applicables aux biens. Il demeure un objet commercialisable jusqu’à être saisissable lorsqu’il s’agit d’obtenir le paiement de son dû. Ainsi, la cession d’un cheval n’échappe pas au contentieux de la vente et la crainte du propriétaire de ne pas recevoir le paiement du prix de son équidé par l’acheteur est parfaitement légitime.

Il est d’usage d’anticiper ce risque dans le contrat de vente et de placer le cheval au cœur des garanties. A cet effet, le vendeur peut tout à fait conserver le cheval jusqu’au paiement complet du prix, quand bien même l’acheteur en serait déjà devenu propriétaire au moment de la conclusion de la vente.

Il s’agit du droit de rétention. Le Code civil ne prévoit pas de régime général applicable à ce droit, toutefois plusieurs articles épars l’envisagent : Dans le droit spécial de la vente, l’article 1612 dispose que « le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose, si l’acheteur n’en paye pas le prix, et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le paiement. » L’article 2286 du même code relatif aux sûretés dispose quant à lui que : « Peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose (…) celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer »

Parfois, la simple rétention du livret peut suffire, puisqu’à l’instar de la carte grise du véhicule, ce document doit suivre le cheval dans tous ses déplacements. Pour garantir encore davantage le paiement, une clause de réserve de propriété ayant pour effet de suspendre le transfert de propriété du cheval jusqu’au paiement complet du prix peut être stipulée.

L’article 2367 du Code civil dispose en ce sens que : « La propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement. »

Autrement dit, tant que le vendeur n’a pas été complètement désintéressé, il demeure propriétaire du cheval. L’acheteur qui aura négocié le droit de faire usage du cheval dans l’intervalle n’en sera qu’un simple détenteur et s’expose à ce que le vendeur procède à une saisie-appréhension du cheval à défaut de paiement du prix…

Avant qu’il ne devienne un véritable membre de la famille, le cheval reste un objet dans le commerce dont la vente peut engendrer des litiges que certains refusent de concevoir ce qui est tout à fait compréhensible. Néanmoins, il est indispensable que la vente soit sécurisée en amont afin qu’elle puisse se dérouler de la manière la plus sereine ensuite, dans l’intérêt de tous y compris bien entendu celui du cheval !

Louise ROUSSELET