Maisons fissurées par la sécheresse : l’acclimatation du régime d’indemnisation « Cat Nat »

En France comme dans de nombreux pays, l’été 2022 a battu un triste record : celui-ci de la sécheresse, en raison d’un important déficit de précipitations et d’humidité du sol. Sur le territoire français, plus de la moitié des maisons sont construites sur des sols argileux particulièrement sensibles aux variations climatiques puisqu’elles en modifient le cas échéant la teneur en eau.

Le phénomène de retrait-gonflement des argiles provoqué par l’enchainement des périodes de grande sécheresse et de précipitations est à l’origine d’une multiplication des dommages sur les maisons individuelles.

L’augmentation fulgurante des cas de sinistres en relation avec l’exceptionnelle sécheresse de l’année dernière a révélé les limites du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles dit « Cat Nat » mis en place 1989, tant à l’égard des particuliers victimes que des assureurs.

En effet, le dispositif existant aboutissait à une situation paradoxale dans laquelle un nombre important de Communes en était illégitimement exclues à raison de critères d’application devenus trop restrictifs, tandis que des maisons construites en méconnaissance de la loi demeuraient bel et bien éligibles aux garanties.

L’Ordonnance n°2023-78 du 8 février 2023 rétablit une certaine justesse du régime et le rend davantage adapté aux besoins actuels en modifiant certaines dispositions légales.

Les modifications ont majoritairement pour finalité d’étendre l’indemnisation à davantage de communes au moyen d’un assouplissement des conditions d’indemnisation par les assurances.

Elles consistent principalement en un agrandissement du périmètre des dommages indemnisables, à savoir ceux pouvant être considérés comme des effets des catastrophes naturelles.

L’ordonnance ajoute en effet, au sein de l’article L125-1 du Code des assurances, une nouvelle cause déterminante.

Désormais, ces dommages pourront avoir été occasionnés :

  • Soit par l’intensité anormale d’un agent naturel, c’est-à-dire un évènement ponctuel ;
  • Soit, c’est la nouveauté, par la succession anormale d’évènements de sécheresse d’ampleur significative s’agissant des seuls mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

Et pour cause, les mouvements de terrains différentiels apparaissent généralement au bout de plusieurs années, par la répétition de phénomènes de retrait-gonflement qui, pris isolément, n’atteignent pas le seuil d’intensité requis pour la première cause.

Naturellement, le délai de 24 mois imparti à la Commune pour solliciter la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle auprès de la Préfecture compétente ne commencera à courir qu’à compter du dernier évènement de sécheresse donnant lieu à cette demande.

L’élargissement des dommages du point de vue de leur origine est néanmoins tempéré par une restriction aux dommages les plus graves.

En vertu de l’article L125-2 du même code, la garantie sera en effet limitée aux dommages susceptibles d’affecter la solidité du bâti ou d’entraver l’usage normal du bâtiment, ce qui renvoie peu ou prou aux critères de la garantie décennale de l’article 1792 du Code civil.

L’idée est de mettre la priorité sur l’indemnisation des dommages devant être réparés le plus rapidement possible afin de circonscrire le sinistre et éviter qu’il ne s’étende à l’ensemble du bien.

Ces dommages sont encore exclus de la garantie :

  • Si le bâtiment affecté a été construit sans obtention préalable d’un permis de construire, lorsque cette autorisation est obligatoirement requise au sens de l’article L421-1 du Code de l’urbanisme ;
  • Si, à l'achèvement du bâtiment et malgré l’obtention d’un permis de construire, le maître d'ouvrage n’est pas en mesure de justifier au moment du sinistre de la bonne transmission à l'autorité qui a délivré ce permis de l’attestation mentionnée à l’article L122-11 du Code de la construction et de l’habitation, relative aux règles de prévention des risques sismiques et cycloniques.

Le Gouvernement semble avoir vu dans cette ordonnance non seulement un outil d’ajustement du régime d’indemnisation « Cat Nat » aux conséquences actuelles du changement climatique, qui s’est considérablement accéléré depuis 1989, mais également un moyen de dissuasion complémentaire des propriétaires faisant construire au mépris des règles d’urbanisme via la menace d’une exclusion de garantie.

Cette ordonnance sera applicable au 1er janvier 2024 pour la majorité de ses dispositions.

Louise ROUSSELET