Traitement algorithmique des données au service des décisions médicales introduit dans la loi bioéthique : obligation d’information des patients

Incorporé discrètement au sein de l’article 17 de la loi n°2021-1017 du 02 août 2021 relative à la bioéthique, un nouvel article L.4001-3 intègre le Code de la santé publique, permettant de faire entrer l’intelligence artificielle et le traitement automatisé des données dans le droit de la bioéthique.

Cet article appelant de nombreuses observations sur ses conséquences juridiques, il ne sera étudié au sein de la présente, que l’obligation d’information renforcée au bénéfice des patients. Effectivement, ce nouvel article permet d’étendre l’obligation d’information à la charge des professionnels utilisant l’intelligence artificielle en matière de santé.

Il dispose que :

« I. Le professionnel de santé qui décide d'utiliser, pour un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, un dispositif médical comportant un traitement de données algorithmique dont l'apprentissage a été réalisé à partir de données massives s'assure que la personne concernée en a été informée et qu'elle est, le cas échéant, avertie de l'interprétation qui en résulte.

II. Les professionnels de santé concernés sont informés du recours à ce traitement de données. Les données du patient utilisées dans ce traitement et les résultats qui en sont issus leur sont accessibles.

III. Les concepteurs d'un traitement algorithmique mentionné au I s'assurent de l'explicabilité de son fonctionnement pour les utilisateurs.

IV. Un arrêté du ministre chargé de la santé établit, après avis de la Haute Autorité de santé et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la nature des dispositifs médicaux mentionnés au I et leurs modalités d'utilisation. »

Pour rappel, l’intelligence artificielle est définie comme « l’ensemble des théories et des techniques développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l'intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…). » (Définition proposée par les Dictionnaires Le Robert). Dans le cadre médical, les applications peuvent être variées.

Le rapport de la mission parlementaire, publié par Cédric VILLANI, permet de revenir sur les objectifs innovant d’une telle utilisation. Cela permettrait en effet « de mieux détecter les symptômes et de faire un suivi prédictif du déploiement d’une maladie, d’exploiter les résultats d’analyse, de soumettre de nouvelles hypothèses de diagnostic et de formuler des propositions thérapeutiques plus personnalisées. Elles peuvent aussi améliorer la détection des effets secondaires d’un médicament. » (Cédric Villani, Donner un sens à l’intelligence artificielle, Pour une stratégie nationale et européenne.)

Force est de constater que le déploiement de l’intelligence artificielle dans le milieu médical impacte fortement l’innovation tant thérapeutique que pharmacologique.

Toutefois, et tel que cela est rappelé au sein de l’article précité, le professionnel de santé qui utilise un tel procédé doit s’assurer que la personne concernée en a été informée mais également avertie de l’interprétation qui peut en résulter.

Cet article vise les professionnels de santé dans leur ensemble et non uniquement les médecins. Il convient donc de se référer au Code de la santé publique pour en connaître l’étendue.

Le législateur a tenu, et il faut saluer cette précision, à ce que le professionnel de santé, uniquement, puisse être en mesure de délivrer l’information issue des systèmes de traitement de données à son patient. Il est effectivement le mieux à même d’en interpréter la donnée et d’en déterminer le rôle sur la détermination du diagnostic médical.

Concernant la forme, l’objet et le moment de transmission de l’information, peu d’éléments sont apportés par ce nouvel article. Effectivement, il est seulement indiqué – et cela semble pourtant l’information la plus importante pour le patient – que l’interprétation donnée aux résultats, c’est-à-dire la retranscription des données algorithmiques avec la situation du patient, n’est prévue que « le cas échéant ». Cela appelle une libre appréciation du professionnel de santé quant aux critères et à la transmission de l’information. Il est fort à parier que, en l’état, l’information diffusée par les professionnels de santé soit différente d’un établissement à un autre ou d’un praticien à l’autre.

De la même manière, sans définir la forme de cette obligation d’information, nous pouvons aisément nous interroger sur la preuve de cette délivrance. Effectivement, alors qu’en matière de données personnelles, les articles 12 à 14 du RGPD précisent la forme de l’information, il n’en est rien pour les professionnels de santé dans le cadre de la loi bioéthique. Cela pose évidemment une véritable question de matérialité de la preuve de l’information.

Attention toutefois, l’information est à distinguer du consentement. En matière médicale, le consentement à l’acte médical se cumule à celui relatif à la protection des données. Aussi, le patient consent à la prescription du médecin ainsi qu’au recueil et au traitement de ses données.

Dans le cas présent, et à la lecture du texte, si le médecin souhaite recourir à un outil algorithmique, il ne doit qu’en informer le patient et non recueillir son consentement.

Cela permet de s’interroger sur les sanctions de ce défaut d’information. Effectivement, jusqu’à alors le défaut d’information du patient sur son état de santé constituait une faute déontologique mais également une faute civile exposant le praticien au versement de dommages et intérêts.

En l’état, il ne semble pas possible de transposer de telles conséquences à l’absence d’information du patient quant à l’utilisation d’un outil algorithmique, d’autant que la preuve d’un préjudice en résultant est moins aisée. En tout état de cause, il semble nécessaire que le législateur apporte davantage de précisions quant aux contours donnés à l’information du patient.

Pauline FONLUPT