Convention d’occupation précaire et Bail dérogatoire : Attention à la requalification en bail commercial

En droit commercial, différents types de contrats s’offrent à un entrepreneur qui souhaite développer son fonds de commerce. Il n’est pas rare d’entendre les termes « Convention d’occupation précaire » mais également « bail dérogatoire » autrement nommé « bail précaire ». Il convient de savoir que ces deux possibilités permettent à un entrepreneur d’échapper au statut d’ordre public des baux commerciaux de même qu’à ses contraintes, eu égard au fait que dans le fonds, leurs objectifs soient bien différents.

En effet, le bail précaire permet au bailleur d’étudier la situation du locataire afin de considérer une éventuelle signature du bail commercial. Il permet en revanche pour un locataire ayant des difficultés à anticiper les besoins et effectifs de son entreprise au moyen terme, d’envisager un bail de courte durée.

Relativement au bail dérogatoire, il permet au locataire d’appréhender la pertinence d’un emplacement et de tester la rentabilité de son activité développée avant de s’engager sur le long terme. A contrario, il protège le bailleur d’un engagement à long-terme, en lui permettant de tester ses relations commerciales avec le locataire.

Toutefois, il arrive très régulièrement qu’un contrat initial soit requalifié en bail commercial.

Aussi, les parties ne souhaitant pas voir leur contrat requalifié en bail commercial et subsidiairement soumis aux règles applicables aux baux commerciaux doivent prendre diverses précautions qui seront développées ci-dessous.

En premier lieu, le bail dérogatoire peut être conclu entre le bailleur et le locataire uniquement pour un fonds de commerce, un commerce ou un local artisanal et dès lors que :

  • La durée totale du contrat ne dépasse pas 3 ans ;
  • Qu’au moment du contrat, une clause précise de manière claire et explicite la volonté des parties de ne pas être soumises au statut des baux commerciaux ;
  • Le bail doit être conclu au moment de l’entrée du locataire dans les lieux ;
  • Depuis le 1er septembre 2014 il faut qu’un état des lieux d’entrée et de sortie soit établi par les parties ;

Dès lors que ces conditions cumulatives ne sont pas remplies, le bail sera requalifié en bail commercial classique.

A la fin du bail dérogatoire, si le locataire ne souhaite pas voir son contrat requalifié en bail commercial, il dispose d’un délai de 1 mois pour manifester sa volonté de quitter les lieux sous peine de voir votre contrat modifié. Le bailleur dispose également de ce même délai pour donner congé au locataire sans payer d’indemnité d’éviction.

Les parties liées par le bail dérogatoire ne peuvent pas signer un renouvellement du contrat pour les mêmes locaux le bail sera également requalifié.

La Convention d’occupation précaire quant à elle, est conclue entre un propriétaire et un locataire afin que ce dernier puisse occuper à titre exceptionnel un local commercial ou professionnel et ce, à raison de circonstances indépendantes de la volonté de chacune des parties. (Ex : immeuble voué à la démolition ; qui a subi un sinistre important).

Elle peut être conclue avec un occupant si deux conditions sine qua non et cumulatives sont remplies :

  • Les parties doivent justifier d’une précarité « objective » et cette précarité doit se justifier au regard desdites circonstances indépendantes de la volonté des parties. La Convention doit préciser dans son préambule les circonstances exceptionnelles qui justifient la précarité.
  • Le prix de la redevance doit être nettement inférieur à la valeur locative réelle et couramment pratiqué dans l’environnement où le local, objet de la Convention, se situe. Il y a donc une absence totale de charge locative pour l’occupant.

La Convention d’occupation précaire n’impose pas de durée entre les parties mais l’occupant doit quitter les lieux à l’expiration de la durée indiquée dans le contrat. La Convention peut être renouvelée pour le même local tant que la fragilité de l’occupation existe. Tant pour l’occupant que pour le propriétaire, il convient ainsi de veiller à ce que les conditions précédemment exposées soient remplies. Dans le cas contraire, le juge considèrera que la Convention a été conclue pour faire échec aux dispositions légales des baux commerciaux et le bail sera requalifié en bail commercial de 9 ans.

A ce jour, la Haute juridiction est régulièrement saisie de ce sujet et davantage depuis la crise sanitaire, laquelle a fait émerger de nombreux micro-entrepreneurs soucieux de développer leur propre activité et devant pour ce faire disposer de locaux.

Sources : Cassation civile 3e, 1er février 2018, n°16-23122 ; Art L145-5 du Code de commerce, Art ; Cass. 3e civ., 17 sept. 2020, n° 19-18.435, P+B+I ; CA Montpellier, 5ème Chambre civile, 17 janv 2023, nº 20/01745 ; Cass., 3ème civ., 28 septembre 2022, n°21-17-907 ; Cass., 3ème civ., 07 décembre 2022, n° 21-23-103

Alicia COLLOT