Retour sur la qualification d’offre prévue par l’article L.211-9 du Code des Assurances

Cass. Civ2e, 25 mai 2022, n°21-10439

Un arrêt récent rendu par la Cour de cassation nous permet de revenir sur l’articulation entre le rapport d’expertise médical et l’offre émise par l’assurance. La Haute juridiction rappelait que pour condamner un assureur au règlement de la pénalité prévue par l’article L.211-13 du Code des Assurances, faute d’une offre suffisante concernant des postes de préjudices non mentionnés dans le rapport, la juridiction doit vérifier la connaissance par l’assureur de l’existence de ces postes.

Dans le cadre de l’indemnisation d’une victime d’un accident de la circulation, appliquant la loi Badinter du 5 juillet 1985, les assureurs sont soumis à différentes obligations. L’une est évoquée à l’article L.211-9 du Code des assurances, lequel dispose que : « Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée.

[…] Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. »

Le contenu de l’offre est quant à lui précisé par l’article R.211-40 du code des assurances qui dispose que « L'offre d'indemnité doit indiquer, outre les mentions exigées par l'article L. 211-16, l'évaluation de chaque chef de préjudice, les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui reviennent au bénéficiaire. Elle est accompagnée de la copie des décomptes produits par les tiers payeurs. »

Le contenu de cette offre est particulièrement important et il appartient aux avocats d’en vérifier la teneur. Effectivement, le juge peut assimiler une absence d’offre à une offre manifestement insuffisante. Ainsi, que l’offre ait été émise en dehors des délais impartis ou de manière manifestement insuffisante, l’assurance pourra se voir condamnée à ce que le montant de l’indemnité allouée par le juge produise intérêt de plein droit au double du taux d’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette sanction prévue par l’article L211-13 du Code des assurances a fait l’objet d’une jurisprudence abondante, permettant d’identifier les contours d’une offre manifestement insuffisante.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 mai 2022 en est un nouvel exemple. Dans cette espèce, la victime a fait l’objet de deux expertises judiciaires et aucun des experts n’avait relevé l’existence d’un préjudice professionnel. Pour autant, la juridiction constatera l’existence de ce préjudice et condamnera l’assurance à la sanction prévue par l’article L211-13 du Code des assurances aux motifs que l’offre était nécessairement qualifiée d’insuffisante, ne mentionnant pas le préjudice professionnel.

La question se posait alors de savoir si un assureur pouvait être condamné pour une offre insuffisante concernant un poste de préjudice qui n’était pas mentionné dans le rapport d’expertise. En 2018, une décision avait d’ores et déjà été rendue sur ce point, considérant qu’il ne pouvait être reproché à l’assureur de ne pas avoir formulé d’offre sur un poste de préjudice dont il ignorait l’existence, puisque non visé dans le rapport d’expertise (Cass. Civ2e, 5 juillet 2018, n°17-21930).

Dans l’arrêt étudié, la Cour de cassation a confirmé sa position, en apportant toutefois de nouvelles précisions : « En se déterminant ainsi, sans rechercher si, bien que les experts aient conclu à l’absence de perte de gains professionnels futurs et d’incidence professionnelle, l’assureur avait connaissance de l’existence de ces chefs de préjudice, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

En conséquence, un préjudice qui n’aurait pas été soulevé par l’Expert judiciaire mais dont l’assureur avait connaissance, doit apparaitre dans l’offre indemnitaire émise, au risque de rendre cette dernière manifestement insuffisante.

Cette jurisprudence, au-delà d’apporter des précisions quant à la condamnation de l’assureur sur la qualité de ses offres, permet de relativiser le poids des rapports d’expertises. Ces décisions invitent au contraire les compagnies d’assurance à se pencher davantage sur la situation réellement subie par la victime, au-delà de l’appréciation unilatérale de l’Expert.

Cela permet d’indiquer à ce titre que l’absence d’un poste de préjudice dans un rapport d’expertise n’empêche pas la victime d’en solliciter l’indemnisation. La Cour de cassation a rappelé récemment que les juges du fond ne sont pas liés par les conclusions du rapport d’expertise et doivent indemniser un dommage, même non ou mal défini par l’expert, tant que son existence est directe et certaine (Cass. Civ1ère, 1er juin 2022).

Ces arrêts permettent finalement de mettre en avant la place de la victime et la réalité des lésions subies. Les compagnies d’assurance et notamment leurs régleurs peuvent tout à fait voir apparaitre un rapport d’expertise inadapté à la situation de la victime. Il leur appartient alors de satisfaire au mieux la réalité des lésions subies au titre du principe de réparation intégrale, quitte à s’éloigner des conclusions expertales au sein de l’offre indemnitaire qu’ils doivent produire.

L’assureur doit donc analyser au mieux la situation réelle de la victime, dans la limite toutefois des connaissances dont il dispose.

Pauline FONLUPT