Vers une meilleure indemnisation des victimes de dommages corporels avec la création de l’ANADOC

Créé en 2005, la nomenclature DINTILHAC est un outil consensuel de classification de l’ensemble des préjudices corporels réparables.

Sur la base de cette nomenclature, l’AREDOC (Association pour l’étude et la Réparation du Dommage Corporel), a élaboré une « mission d’expertise », destinée à guider les médecins experts dans la réalisation de leurs opérations d’expertise.

Jusqu’à peu, l’AREDOC était le seul organisme concepteur de normes techniques d’expertise en matière de dommage corporel.

Or, cet organisme est exclusivement composé d’assureurs ou de leurs médecins conseils.

Il en résulte que la méthodologie proposée par l’AREDOC s’avère relativement défavorable aux victimes de dommages corporels.

En effet, de nombreuses composantes des postes de préjudices listés par la nomenclature DINTILHAC sont tout simplement oubliées, ce qui conduit à une réparation partielle des dommages corporels.

En vue de garantir une plus grande individualisation de la réparation des préjudices, il était donc nécessaire de mettre en place une nouvelle base de données médico-légales, dédiée à la pratique de l’expertise du dommage corporel, qui ne soit pas établie par des organismes indemnisateurs.

C’est la mission que se sont données deux associations – l’ANAMEVA (Association Nationale des Médecins-conseils de Victimes d’Accident avec dommages corporel) et l’ANADAVI (Association Nationale des Avocats de Victimes de Dommages Corporels) – en créant l’ANADOC (Antenne Nationale de Documentation sur le Dommage Corporel).

Il s’agit d’une structure paritaire, dont l’objectif est de produire et diffuser des outils d’aide à l’expertise médicale.

La base de données créée par l’ANADOC comprend pour chaque poste de préjudice une fiche détaillée, une fiche synthétique intitulée « l’essentiel », un tableau comparatif des points de divergence avec l’AREDOC, ainsi qu’une nouvelle mission d’expertise.

Cette nouvelle solution proposée ne vise pas à remplacer le référentiel de l’AREDOC, mais simplement à introduire d’autres standards que ceux proposés par les assureurs, en faveur d’une meilleure indemnisation des victimes de dommages corporels.

Par une ordonnance du 11 octobre 2021, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné l’évaluation des préjudices d’une victime d’accident de la circulation sur la base de cette nouvelle mission ANADOC.

Les sociétés d’assurances à qui il revenait d’indemniser la victime ont alors fait appel de cette décision, au motif selon lequel la mission ordonnée ne correspondait pas à la mission habituelle, car elle ordonnait une réécriture de la mission DINTILHAC.

Toutefois, par un arrêt du 23 juin 2022, la Cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance rendue par le Tribunal judiciaire de Paris et validé la mission ANADOC.

La Cour a en effet considéré que :

« Le juge des référés est libre de choisir la mission donnée à l'expert et n'est pas tenu par les propositions des parties. De même, la nomenclature DINTILHAC n'a pas de valeur normative et les juges ne sont donc pas tenus de s'y référer, pas plus qu'ils ne sont tenus d'utiliser les “trames” ou missions “types” qu'ils ont pu établir par le passé, s'agissant de simples outils d'aide à la décision et à la rédaction ».

(CA Paris, Pôle 1, Ch. 2, 23 juin 2022, N°21/20479)

A travers cette décision, le juge reprend une nouvelle fois le principe posé par l’article 246 du Code de procédure civile, qui dispose que :

« Le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ».

En effet, si la mission de l’expert est d’éclairer le juge à travers son rapport d’expertise, le juge n’est en aucun cas lié par ce rapport et demeure libre de la mission donnée à l’expert.