Lorsque la rupture du contrat d’agence commerciale est imputable au mandant

Les évolutions sociétales nous amènent fréquemment à évoquer les nouvelles façons d’exercer son activité professionnelle.

Il existe pourtant depuis des décennies, un mode d’exercice dont la pertinence est toujours d’actualité, celui de l’agent commercial.

Ce mode d’exercice continue de donner lieu à des ajustements jurisprudentiels qui permettent d’en prendre toute la mesure.

En effet, par un arrêt rendu le 16 novembre 2022, n° 21-10.126, B+L, la Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que lorsque la cessation du contrat d’agence commerciale résulte de l’initiative de l’agent mais qu’elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, l’indemnité compensatrice demeure due à l’agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l’exécution du contrat.

Cette décision apporte ainsi des éclaircissements importants quant au versement de l’indemnité compensatrice prévue par l’article L. 134-12 du Code de commerce.

Pour rappel, cet article dispose qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

Ce droit à indemnité souffre de trois exceptions qui sont prévues à l’article L 134-13 du code de commerce, notamment lorsque la cession du contrat résulte de l’initiative de l’agent commercial.

Cependant, le Législateur a pris soin d’introduire une modération à cette exception à savoir que même si c’est l’agent qui a résilié le contrat, il peut toujours percevoir l’indemnité si la cessation est justifiée par des circonstances imputables au mandant.

Au cas d’espèce soumis à l’appréciation de la Cour de Cassation, l’agent commercial est bien celui qui a pris l’initiative de résilier le contrat d’agence commerciale qu’il avait conclu avec une société mandante mais il a imputé cette rupture aux manquements commis par ladite société.

La Cour d’Appel saisie du dossier a fait droit à la position de l’agent et a condamné la société à lui verser la somme de 168 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice.

La société mandante a formé un pourvoi en cassation au motif que l’agent commercial avait commis une faute grave, hypothèse excluant au visa de l’article L 134-13, le droit au bénéfice de l’indemnité.

La réponse apportée par la Cour de Cassation qui a rejeté le pourvoi, est limpide.

« Il résulte de l’article L 134-13 du code de commerce que, lorsque la cessation du contrat d’agence commerciale résulte de l’initiative de l’agent et qu’elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l’article L. 134-12 de ce code demeure due à l’agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l’exécution du contrat ».

Il n’y a pas matière à une quelconque compensation.

Peu importe que l’agent commercial ait commis ou non une faute grave.

S’il prend l’initiative d’une rupture en démontrant des manquements de son mandant, le droit à indemnisation prévue par l’article L. 134-12 du Code de commerce s’applique pleinement.

Par ailleurs, la Cour de Cassation a explicité les modalités de calcul de l’indemnité prévue par l’article L. 134-12 du Code de commerce.

Cette indemnité a pour objet de réparer le préjudice qui résulte, pour l’agent commercial, de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune.

Le fait que l’agent ait perçu, postérieurement à la cessation du contrat, des commissions au titre de la même clientèle que celle prospectée dans le cadre du contrat résilié, est sans incidence sur le calcul des deux années de commissions qui doit être appliqué.

Le statut de l’agent commercial a encore de beaux jours devant lui.

Il est toutefois nécessaire de bien rédiger le contrat pour définir les obligations réciproques et ainsi anticiper leurs manquements éventuels, qui auront une incidence certaine sur le versement de l’indemnité.

Olivier COSTA Avocat Associé