Saisie des rémunérations : la requête à fin de convocation d'une partie à la tentative de conciliation préalable a-t-elle un effet interruptif de la prescription ?

Cass. civ. 2, 17 novembre 2022, n° 20-20.660, F-B https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046583072?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=juri

1.

Dans son arrêt du 17 novembre 2022, la Haute juridiction énonce que la requête à fin de convocation d'une partie à une tentative de conciliation préalable à une saisie des rémunérations constitue une demande en justice qui interrompt le délai de prescription.

L’article 2241 du Code civil, issu de la réforme de la prescription en matière civile, pose un principe simple et a vocation générale, celui de l’effet interruptif de la demande en justice. Encore faut-il toutefois pouvoir définir quels sont les actes qui permettent d’interrompre le délai de prescription ?

Présenté comme un principe général de procédure civile, l’effet interruptif de la demande en justice souffre encore aujourd’hui de nombreuses ambivalences et incertitudes. En effet, cette ambiguïté a pu ressortir lorsqu’une demande en justice comporte au préalable des diligences amiables.

Aussi, la Cour de cassation dans sa décision du 17 novembre dernier a tenu à rappeler qu’en matière de saisies de rémunérations la requête à fin de convocation d'une partie à la tentative de conciliation préalable est bien constitutive d’un acte ayant un effet interruptif de la prescription.

Pour mémoire, la saisie des rémunérations est une procédure civile d’exécution qui permet à un créancier de prélever directement entre les mains de l’employeur de son débiteur une portion de la rémunération de ce dernier en paiement de sa créance.

2.

Dans l’affaire commentée, un particulier s’est porté caution solidaire d’une société envers une banque. À la suite de la liquidation judiciaire de la société, la caution a été condamnée à verser une certaine somme à la banque par arrêt du 12 septembre 2002. Par requête du 1er mars 2018, la banque a saisi un tribunal d’instance aux fins de convocation de la caution à une tentative de conciliation préalable à la saisie de ses rémunérations.

Devant la cour d’appel de Lyon, la caution soulève une exception d’irrecevabilité tirée de la prescription de l’action, invoquant notamment que le dépôt par la banque au greffe de la requête aux fins de tentative de conciliation préalable à la saisie des rémunérations n’a pas d’effet interruptif de prescription.

Dans le cadre du pourvoi en cassation, la caution fait grief à l’arrêt (CA Lyon, 7 juillet 2020, n° 19/08532) de l’avoir notamment débouté de son exception d’irrecevabilité pour cause de prescription et d’avoir constaté que la demanderesse à la procédure de saisie des rémunérations justifiait d’une créance liquide et exigible pour un certain montant, et enfin d’avoir ordonné la saisie de ses rémunérations entre les mains de son employeur.

L’intéressée énonce plus particulièrement que faute d’avoir été informé du dépôt au greffe de la requête aux fins de conciliation prévu à l’article R. 3252-12 du Code du travail et d’avoir été porté à sa connaissance, elle n’avait pas d'effet interruptif de la prescription. La caution fait valoir notamment la violation de l’article 2241 du Code civil.

3.

Dans son arrêt, la Cour de cassation relève dans un premier temps que la banque avait par sa requête déposée le 1er mars 2018, improprement qualifiée dans ses motifs d'assignation sans qu'il en résulte pour autant une dénaturation de cette requête, sollicité la convocation de son débiteur en vue d'une tentative de conciliation préalable à la saisie des rémunérations du travail. Dans un second temps, qu'en application de la réforme de la prescription par la loi n° 2008-561, du 17 juin 2008, le délai de dix ans à compter de l'entrée en vigueur de cette loi expirait le 19 juin 2018.

La Cour de cassation a en effet rappelé qu’aux termes de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

C’est ainsi que la cour de cassation a énoncé la solution précitée aux termes des dispositions de l’article 2241 du Code civil pour rejeter le pourvoi.

La Haute juridiction, confirmant le raisonnement des juges du fond, rappelle alors que cette requête, pour tentative de conciliation préalablement à la saisie des rémunérations, constitue une demande en justice qui interrompt dès lors le délai de prescription. L’action du créancier n’était donc pas prescrite.

Par cette décision, la Cour de cassation rappelle l'importance d'étudier avec précision chaque acte intervenu afin de vérifier leur éventuel effet interruptif.

Sandra NICOLET