Accident de la circulation à l’étranger et indemnisation des victimes : exclusion de la CIVI

Par son article 706-3 du Code de procédure pénale, la loi française permet à toute victime d’une infraction pénale commise à l’étranger de se faire indemniser en France, en saisissant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI).

Des critères de gravité sont indiqués par cet article, ainsi que des exclusions, telles qu’en cas d’application de la loi Badinter. Effectivement, cet article dispose que :

« Toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :

Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l'article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d'occasionner des dégâts ; »

A la lecture de ces dispositions, les victimes d’un accident de la circulation relevant du régime d’indemnisation créé par la Loi Badinter, ne peuvent saisir la CIVI en vue de l’indemnisation de leur préjudice.

La question s’est posée à de nombreuses reprises dans le cadre des accidents de la circulation survenus dans l’Union Européenne. Effectivement, par la restriction visée à l’article 706-3 du CPP, les victimes d’accidents de la circulation ne peuvent bénéficier du régime d’indemnisation par la solidarité nationale mais relèvent d’un mécanisme bien précis.

Une procédure d’indemnisation du préjudice concernant les accidents de la circulation survenus à compter du 20 janvier 2003 dans les Etats de l’Espace Economique Européen ainsi que les Etats ayant adhéré au système de la « carte verte » a été mise en place par la IV directive européenne du 16 mai 2000, transposée en droit interne par la loi du 1er août 2003.

Cette directive prévoit que la victime doit saisir, en France, le représentant de l’assureur étranger couvrant l’auteur du dommage. Le fichier des représentants est géré par le Bureau Central Français.

Ce n’est qu’en cas de carence de la part de l’assureur étranger ou de son représentant que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) pourra intervenir sur saisine de la victime.

Cela a fait débat quelques temps devant les Cours d’appel, notamment dès qu’il était possible de retenir que les conséquences d’un accident de la circulation dans un Etat membre de l’Union Européenne ne relèvent pas de la loi Badinter mais des dispositions de la loi nationale du lieu de l’accident, en application de la Convention de La Haye. L’exclusion de la loi Badinter n’était pas applicable, une saisine de la CIVI pouvait intervenir.

De la même manière, il était possible d’envisager d’indemniser les victimes par cette voie spécifique de la CIVI s’il était démontré que l’origine du dommage se trouvait dans l’élément matériel d’une infraction, telles que des blessures volontaires ou non. Dans un tel cas, l’indemnisation de la victime ne dépendait plus du régime de la loi Badinter.

Toutefois, d’autres Cours d’appel retenaient que les accidents de la circulation étaient exclus du régime de la CIVI et régis par un mécanisme relativement proche de celui prévu par la loi Badinter, étant rappelé qu’en cas de défaillance de l’assurance, le FGAO intervenait.

La cour de cassation s’était alors prononcée une fois (Cass. Civ2e, 24 septembre 2020, n°19-12.992) en faveur de l’exclusion des accidents de la circulation du régime de la CIVI.

La position est désormais tranchée par trois arrêts du 24 novembre 2022 qui rappellent chacun que la compétence du FGAO exclut celle de la CIVI. Dans ces arrêts, la Cour confirmera que les victimes d’accidents de la circulation survenus dans un Etat partie à l’espace économique européen sont placés dans la même situation, au regard de l’accès à l’indemnisation directe auprès de l’assureur étranger ou de son représentant. Aussi, elles ne peuvent se prévaloir du mécanisme d’indemnisation de la CIVI.

Cass. Civ. 2ème, 24 novembre 2022, n° 20-23.462 https://www.courdecassation.fr/decision/637f23923aa45005d42d80ce

Cass. Civ. 2ème, 24 novembre 2022, n° 20-22.100 https://www.courdecassation.fr/decision/637f23963aa45005d42d80d2

Cass. Civ. 2ème, 24 novembre 2022, n° 20-19.288 https://www.courdecassation.fr/decision/637f23943aa45005d42d80d0

Pauline FONLUPT