SAS : les décisions prises en violation des statuts encourent désormais la nullité

A l’occasion d’une décision récente, la Chambre commerciale financière et économique de la Cour de cassation a, dans son arrêt du 15 mars 2023 (Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324, FS-B), modifié sa jurisprudence concernant le régime de nullité des délibérations adoptées en violation des clauses statutaires d’une société par action simplifiée.

Un protocole d'accord est signé entre l’associée unique, personne morale, d’une société par actions simplifiée (SAS) et l’associée unique, personne morale, d’une autre société. Aux termes de ce pacte, il a été convenu d'une augmentation du capital de la SAS réservée à cette seconde société et à son associé unique ainsi que de l'acquisition, par ce dernier, d'actions de la SAS. Par des délibérations, la SAS approuve l'opération d'apport et l'augmentation de capital subséquente.

Un arrêt irrévocable annule ces délibérations et constate la caducité du traité d'apport.

Soutenant qu'elle avait été privée de ses droits d'associé depuis cette décision, la société cessionnaire a assigné la SAS en annulation de toutes les assemblées générales ordinaires et extraordinaires de cette société et de toutes les décisions collectives en résultant à compter de la date de l’arrêt.

De façon constante, la chambre commerciale de la Cour de cassation jugeait que la nullité des actes ou délibérations prises par les organes d’une société commerciale ne pouvait résulter que de la violation d’une disposition impérative du livre II du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats, conformément à l’article L. 235-1, alinéa 2, du même code (v. not. Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-14.855 : Bull. 2010, IV, n° 93).

Cette solution a, par la suite, été appliquée aux décisions prises en violations règles statutaires d’une société par action simplifiée, en application de l’article L. 227-9 alinéa premier du Code du commerce (v. Cass. com., 26 avril 2017, n° 14-13.554).

Dans ce cas, la Haute juridiction considérait que la violation des dispositions statutaires relatives aux décisions collectives ne pouvait pas entraîner la nullité desdites décisions, autrement qu’en cas de violation d’une disposition impérative du Code de commerce.

Pris sur le fondement du dernier alinéa de l’article L. 227-9 du Code de Commerce, la chambre commerciale de la Cour de cassation, « juge désormais » que toute décision collective adoptée en violation des dispositions statutaires d’une SAS, lorsque ladite violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, encoure la nullité.

Le Cour fonde ainsi son revirement sur le caractère « essentiel au bon fonctionnement de la société et de la sécurité des actes » du respect des dispositions des statuts relatives aux décisions collectives, qui relèvent essentiellement de la liberté statutaire.

La nullité encourue par cette violation pourra être demandé par « tout intéressé ». Ce revirement aura un impact considérable pour les praticiens du droit des sociétés, d’une part, en octroyant une sécurité juridique aux rédacteurs de statuts de SAS et d’autre part, en imposant le strict respect des statuts à travers une sanction lourde de conséquence : la nullité.

Il convient, néanmoins, de rappeler que la nullité prévue à ce titre, par l’article L. 227-9 est facultative. Ce qui signifie que sa régularisation, si tant est qu’elle soit possible, videra rétroactivement la délibération de toute irrégularité.

Cette solution ouvre, par ailleurs, la question de l’étendue des violations « de nature à influer sur le résultat du processus de décision », qui devront être déterminées, en pratique.

Olivier COSTA