La responsabilité sociale des entreprises (RSE) : en passe de devenir une priorité pour les employeurs ?

« Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés. La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans son activité ».

La loi Pacte du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises est venue modifier le droit commun et plus particulièrement l’article 1833 du Code civil, lequel impose désormais aux entreprises françaises, en sus de tenir compte de l’intérêt commun des associés, de prendre considération les enjeux sociaux mais également environnementaux de leur activité. L’article 1335 dudit Code a également été modifié de telle sorte que les sociétés puissent se doter d’une « raison d’être » dans leurs statuts.

Ces modifications s’inscrivent ainsi non seulement dans la continuité des mesures prises par Commission européenne, laquelle avait publié en 2001 un livre vert destiné à « promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises », mais également, elles s’alignent sur les normes développées au niveau international via le Pacte mondial des Nations Unis, la Charte internationale des droits de l’homme, les principes directeur de l’OCDE ou encore les Conventions adoptées par l’Organisation international du travail.

La notion de Responsabilité Sociétale ou Social des Entreprises tend à se faire une place importante dans le milieu professionnel, ainsi guidée par l’éveil européen et international des consciences écologiques et par l’accroissement des comportements se voulant responsables. La crise du Covid19 a par surcroît nettement contribuée à l’accélération de cet engagement respectueux de l’environnement par les entreprises.

Or, force est de constater que cette expression est pourtant bien antérieure à la loi Pacte et à la mondialisation. En effet, au XIXème siècle, diverses sociétés anonymes réfléchissaient déjà de manière soutenue, sur la manière dont elles pouvaient apporter de la valeur ajoutée à leur société. Selon ces sociétés, cette valeur ajoutée ne pouvait se faire que par une corrélation entre les obligations morales des employeurs et les Affaires, soit par une amélioration des conditions de travail des salariés et de leur environnement pour assurer une meilleure productivité. Il faudra toutefois attendre les années 2000 pour que « la responsabilité sociale des entreprises » soit introduite dans la révision des principes directeurs de l’OCDE, sous l’impulsion des Organisation non-gouvernementales (ONG).

Cette stratégie, ou ce que « soft law » lequel embrasse tout à la fois le respect des droits de l’Homme et le développement durable, n’est alors pas perçue comme une norme, mais davantage comme une stratégie pour l’entreprise, lui permettant via une grille de lecture multisectorielle de répondre aux nouveaux défis qui pourraient se présenter à elle, tout en affrontant la concurrence aussi soucieuse des nouvelles problématiques environnementales et sociétales.

Le RSE devient alors un élément majeur, une politique, ayant de nombreuses conséquences tant sur l’entreprise que sur sa croissance économique. En effet, la pérennité desdites entreprises peut être mise à mal par les parties prenantes, qu’il s’agisse d’associations, de syndicats, de consommateurs mais encore d’actionnaires, lesquels peuvent ternir l’image et la réputation de la société, sa valeur immatérielle, dès lors qu’elle ne tend pas à mesurer l’impact de ses activités sur ces nouvelles problématiques.

A cet effet, la norme ISO 26000 élaborée en 2010 est venue poser les sept grandes thématiques sur lesquelles doivent se concentrer les entreprises.

Parmi elles :

  • La gouvernance de l’organisation ;
  • Les droits de l’homme,
  • Les relations et conditions de travail ;
  • L’environnement ;
  • La loyauté des pratiques ;
  • Les questions relatives aux consommateurs ;
  • Les communautés et développement local

Aujourd’hui, une certaine liberté est donnée aux entreprises pour mettre en place ces grandes thématiques et développer leur stratégie tant environnementale, sociétale qu’économique et ce, afin de fidéliser les salariés en poste et d’attirer de nouveaux talents dont les valeurs portées dans l’entreprise seront partagées.

Cette liberté peut-elle un jour être limitée par des mesures contraignantes ?

Il semblerait que la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, laquelle a instauré une obligation dans les entreprises de moins de 50 salariés de calculer et de publier chaque année un index aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, de même que la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, réponde partiellement à cette question.

Toutefois, en voyant le RSE positivement, elle devient bien au contraire un outil de communication permettant d’attirer tout à la fois des investisseurs, des clients, des salariés et consécutivement d’assurer une meilleure productivité de l’entreprise en lui permettant de devenir compétitive.

A ce titre, certains sondages réalisés montrent que 49% les salariés se disent prêt à changer d’entreprise et de poste et ce afin d’améliorer leur bien-être, suivant une étude publiée le 7 février 2022 par Manpower Groupe concernant le Royaume-Uni, les Etats Unis, la France, l’Australie et l’Italie. Ainsi, les entreprises bénéficiant de conditions de travail, favorables à l’environnement, étiques et égalitaires, verraient la fidélité de leurs salariés davantage accrue.

Partant, il semblerait que les entreprises proactives et visionnaires lesquelles mettront en œuvre des codes de bonnes conduites ou des actions permettant de tenir compte de la qualité de vie au travail de leurs salariés (transparence, égalité, sécurité etc.), tout en étant soucieuse de la protection de l’environnement, pourront transformer ce qui semblait être initialement un fardeau éthique et humaniste, comme un avantage assurant sa pérennité et sa compétitivité.

Aussi, il n’incombe plus aux entreprises de s’interroger sur leur éventuel engagement en matière de responsabilité sociale et environnemental, mais plutôt, de se questionner sur la manière de parvenir à cet engagement.

Pour se faire, il est indéniable que l’avocat et les juristes auront un rôle de conseil et de compliance important à jouer.

En effet, pour reprendre les termes de Madame Dominique ATTIAS, ancienne vice bâtonnière du Barreau de Paris :

« Le RSE est devenu un sujet central de la vie économique et je suis convaincue que les avocats ont un rôle majeur à jouer pour faire avancer ces sujets. En matière de RSE, les avocats exercices plus qu’un devoir de vigilance, ils ont un rôle d’impulsion au changement ».

De ce fait, un nouveau domaine d’expertise s’ouvre pour les avocats et les juristes, lesquels mettront à contribution leur expertise et leur savoir-faire au profit des entreprises, afin de les aider tout à la fois à développer les outils et le reporting RSE, mais également à anticiper les risques juridiques et les contentieux inhérents à la mise en place de ces nouvelles stratégies.

Alicia COLLOT