C'est la ouate !

Le célèbre slogan de la compagnie d’assurance « Efficace et pas chère, c’est la MAAF que je préfère » est une reprise d’une chanson populaire des années 80, « c’est la ouate », dont les droits de propriété intellectuelle appartenaient à la société d’édition musicale Universal Music Publishing.

La MAAF avait donc conclu un contrat de licence avec ladite société afin d’exploiter une réadaptation de la chanson pour en faire son slogan publicitaire. C’est ainsi que, le refrain de la chanson des années 80 : « de toutes les matières, c’est la Ouate qu’elle préfère… C’est la Ouate », a été réutilisé et réadapté par la compagnie d’assurance, pour devenir « « Efficace et pas chère, c’est la MAAF que je préfère… c’est la MAAF ! »

Cette autorisation d’exploitation et de réadaptation du refrain au bénéfice de la MAAF a pris fin en mars 2019.

Entre temps, la Maaf a diffusé sur sa chaine YouTube un nouveau spot publicitaire. La compagnie d’assurance s’inspire, cette fois-ci, de l’univers des séries d’espionnages, et plus particulièrement, de l’ambiance d’OSS 117.

Dans cette nouvelle publicité, les acteurs concluent par la phrase suivante « Rien à faire, c’est la Maaf qu’il/elle préfère ! ». La stratégie de communication est donc de s’éloigner de la fameuse publicité aux airs de comédie musicale, et du refrain réadapté de la chanson « c’est la ouate ! ». Ici, les acteurs parlent, et ne chantent pas.

Et pourtant…suite à la diffusion de cette publicité, les ayants droit, auteurs, compositeurs et producteurs de la chanson « c’est la ouate » ont assigné la MAAF en contrefaçon de droit d’auteur, et à titre subsidiaire, en parasitisme.

Ils ont considéré que la phrase « Rien à faire, c’est la Maaf qu’il/elle préfère ! » était une adaptation sans autorisation de la chanson « c’est la ouate ». Pour rappel, la MAAF n’est plus sous contrat de licence avec la société qui détient les droits d’auteurs sur la chanson.

Il faut savoir qu’en matière de litige pour contrefaçon, il revient au demandeur de prouver « l’originalité » de son œuvre. Cette condition est essentielle pour bénéficier de la protection du droit d’auteur et de faire prospérer une action en contrefaçon. (Article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle).

Les demandeurs ont donc fait valoir l’originalité de la chanson « c’est la ouate » pour ensuite demander au Juge de déclarer comme étant une adaptation contrefaisante, le slogan « Rien à faire, c’est la Maaf qu’il/elle préfère ».

Par un jugement en date du 21 janvier 2022, le Tribunal Judiciaire de Paris a rappelé qu’aux termes de l’article L. 112-2, 5° du Code de la propriété intellectuelle, les compositions musicales, avec ou sans paroles, sont bien considérées comme des œuvres de l’esprit, dès lors qu’elles sont originales.

En l’espèce, il appartenait au Juge d’apprécier l’originalité des paroles « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère ».

Les demandeurs ont été favorablement accueillis dans leurs prétentions car le tribunal a décidé que, cette phrase, de par son rythme, sa mélodie particulière, et ses rimes, était originale.

« De toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère » est donc protégée par les droits d’auteur. Ces dits droits sont composés des droits patrimoniaux et moraux.

Dans la présente affaire, les demandeurs ont estimé que l’utilisation de la réplique « Rien à faire, c’est la Maaf qu’il/elle préfère ! » était une adaptation non autorisée de la chanson « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère », chanson protégée par le droit d’auteur, et donc une contrefaçon.

Si le tribunal a bien admis l’originalité de la phrase, il n’a pas conclu à la contrefaçon de celle-ci par la MAAF.

En effet, la compagnie ne réutilise que la chute de la phrase, et sans la musique associée. Les acteurs du spot publicitaire de la MAAF, parlent, ne chantent pas. Or ce qui fait l’originalité de la phrase « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère » est son rythme, ses rimes, ce qui n’était pas reprit en l’espèce.

A titre d’information, quand un juge doit apprécier la contrefaçon, il s’appuie sur les « ressemblances » de l’objet du litige avec l’œuvre (et non ses différences). En l’espèce le refrain très rythmé « de toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère, c’est la ouate » ne ressemble pas à la phrase parlé par les acteurs de la pub « Rien à faire, c’est la Maaf qu’il/elle préfère ».

En conclusion, l’absence de reprise de la mélodie est venue exclure la qualification de contrefaçon.

Aurélie PUIG