L'intelligence artificielle arrivera t'elle à lire en nous ?

Ce qui est depuis longtemps envisagé par la fiction devient une réalité : L’intelligence artificielle parvient d’ores et déjà à déceler nos émotions les plus primaires et, dans un futur très proche, arrivera à lire aisément dans nos pensées les plus sombres… En la matière et depuis ces dernières années, la course effrénée vers la quête du savoir, et notamment envers la compréhension de la pensée humaine ne cesse de croître. Une machine pourrait- elle réellement comprendre l’ « Homme » plus que l’Homme lui-même? Des algorithmes sont-ils plus susceptibles de détecter la joie, la colère, la tristesse, la peur, le dégoût ou la surprise que l’Homme ?

1. Les avancées de l’IA dans la détection des émotions

Les émotions constituent une facette indispensable de l'être humain et peuvent affecter son état physiologique pendant le travail, les voyages, la prise de décision, les loisirs ou bien lors d'autres activités. Depuis plusieurs siècles, l’Homme ne cesse de chercher à comprendre l’autre, et notamment à le débusquer lorsqu’il tend à cacher son état émotionnel et notamment quand il ment. Dès 1730, le romancier britannique Daniel Defoe avançait d’ores et déjà une théorie selon laquelle prendre le pouls d’une personne puisse révéler le mensonge ! La quête de la vérité a conduit John Augustus LARSON à créer le polygraphe (détecteur de mensonges) en 1921. Pour ce faire, le détecteur de mensonges mesurait la pression sanguine et la vitesse de la respiration. Cette invention a été par la suite améliorée par son élève, Leornarde KEELER, qui a ajouté une troisième mesure au polygraphe, celle de la transpiration. Le détecteur de mensonges a démontré plusieurs fois ses limites, sa fiabilité étant remise régulièrement en question. En l’occurrence, il a été mis en avant que d’une part, certains individus très entraînés pourraient tromper la machine grâce à une grande maîtrise d’eux-mêmes, et que d’autre part, des individus très émotifs impressionnés par la procédure pourraient être identifiés à tort comme menteurs.

De nombreux chercheurs ont par la suite réinventé ce mécanisme et sont allés bien plus loin encore, en créant une version animée par l’Intelligence Artificielle, afin de pouvoir lire dans nos pensées ou déceler nos émotions grâce à une approche basée sur le « deep learning » (IA auto-apprenante : https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/intelligence-artificielle-deep-learning-17262/ ). Un grand nombre de stratégies qui se concentrent principalement sur l'audio, le visuel, le visage, la parole et les gestes du corps ont été exploitées pour la détection des émotions par l’IA. Actuellement, la détection des émotions à distance repose principalement sur l'analyse des expressions faciales et/ou des mouvements oculaires acquis par des caméras optiques ou vidéo. Les récents progrès des capteurs électroniques portables ont permis de collecter des données physiologiques, telles que la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et l'électroencéphalographie (méthode d'exploration cérébrale) pour plusieurs manifestations physiques des émotions.

Il a très récemment été publiée une étude expérimentale dans la revue de recherche « Plos One » selon laquelle une IA parviendrait à détecter les émotions humaines (la tristesse, la joie, la colère et le plaisir) grâce aux radiofréquences (https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0242946 ).

Pour ce faire, les ondes radios mesurent les changements du rythme cardiaque, qui sont par la suite interprétés par l’intelligence artificielle grâce à une base de données expérimentale créée par une équipe de recherche britannique. Il a à cet effet été créé un système de « deep learning » agissant comme un véritable cerveau humain afin que l’IA puisse apprendre à comprendre les différentes émotions forgeant l’être humain. Ce système a été développé grâce à une base de données regroupant :

• les battements de cœur et les signaux respiratoires de quinze participants. Il ressort de l’étude que « La plupart des participants à l'étude étaient des acteurs et avaient l'habitude d'évoquer des émotions »

• une nouvelle architecture de réseau neuronal afin de visualiser différents états émotionnels. Les radiofréquences ont enregistré les changements de rythme cardiaque et de respiration d’acteurs lorsque leur était présentées des photos ou vidéos pouvant susciter une certaine émotion.

Il ressort de cette expérience que quatre émotions humaines différentes peuvent être reconnues de manière indépendante du sujet avec une précision de plus de 71%, même si les données étaient limitées : Ce résultat plus qu’encourageant n’est sans doute que le balbutiement de l’émergence d’une nouvelle ère.

2. Les applications et limites de l’IA dans la détection de nos émotions

Il ressort de l’étude menée par l’équipe de recherche britannique que « La santé humaine et la productivité au travail dépendent fortement de l'intensité des émotions, qui peuvent être positives ou négatives. Les émotions positives peuvent aider à atteindre un bien-être et une force mentale optimale, tandis que les émotions négatives à long terme peuvent prédisposer à des problèmes chroniques de santé mentale, tels que la dépression et l'anxiété. ». En participant à la détection des émotions humaines, l’IA pourra dès lors être l’acteur majeur de grands changements scientifiques en neurosciences et par conséquent participer à de grandes avancées dans le domaine de la santé et/ou du bien-être.

Il ne fait nul doute qu’en sus des domaines susvisés, l’IA pourrait également être utilisée dans d’autres secteurs comme la défense ou la sécurité. Si l’on peut se féliciter de telles avancées, les autres utilisations qu’un acteur mal intentionné pourrait en tirer sont à redouter. Rappelons à ce titre les propos de Cédric VILLANI, mathématicien et député : « L’intelligence artificielle fait l’objet à la fois d’espoirs et de peurs et ce qu’elle recouvre aujourd’hui présente de grands enjeux ».

Il serait par ailleurs envisageable de craindre qu’une décision importante puisse être prise à notre insu en raison des résultats qu’une IA pourrait produire. Ceci pourrait fortement être préjudiciable d’autant que la fiabilité qu’à une IA à détecter nos émotions est encore variable pour les raisons suivantes :

• La qualité et la diversité des « données de base », qui peuvent contestées.

• L’algorithme, dont le développement repose sur l’Homme, qui lui-même peut commettre des erreurs.

• « L’aléa humain » qu’une machine ne peut détecter. L’Homme est par essence complexe. Chaque être humain peut manifester une émotion de manière différente, selon sa personnalité, sa culture et son histoire. Ainsi, un haussement de sourcils peut tout à fait être la manifestation d’un état de colère, ou bien d’un étonnement. Cela peut être également la traduction d’une personne qui se concentre, d’un mouvement nerveux ou bien le signe d’un état d’hésitation.

La complexité de l’être humain ne peut être si aisément retranscrite par une machine.

Que l’on se rassure, malgré les progrès de l’intelligence artificielle, la machine n’est pas encore en mesure d’interpréter de manière précise ce que pense un humain et nous en sommes encore au stade de l’interprétation. Mais en la matière, les progrès sont exponentiels, si bien qu’un jour, l’IA parviendra à comprendre l’Homme et ses émotions avec toutes leurs complexités et arrivera un jour peut-être à les ressentir….

Les nouvelles avancées publiées en matière d’IA revivifient l’intérêt de faire respecter la vie privée de chacun. La protection de nos données à caractère personnel est le premier bouclier contre l’invasion des nouvelles technologies.

Il serait peut-être temps de faire des « trois lois de la robotique », formulées en 1942 par Isaac ASIMOV la sacro-sainte loi régissant l’intelligence artificielle !

Emilie PESSIEAU