L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent : une méthode à revoir ?

Créé en 2005, à l’occasion de la rédaction du rapport de M. Jean-Pierre DINTILHAC, le déficit fonctionnel permanent (DFP) a remplacé la notion d’incapacité physique permanente (IPP), qui regroupait auparavant les conséquences personnelles et professionnelles des séquelles présentées par la victime.

La nomenclature DINTILHAC est venue modifier cette définition, afin de se concentrer exclusivement sur les incidences du dommage dans la sphère personnelle de la victime. Le déficit fonctionnel permanent désigne désormais : « non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation ». A présent, cette notion s’entend donc comme un ensemble comportant trois composantes distinctes que sont les troubles dans les conditions d’existence, les gênes dans les activités courantes et les souffrances après consolidation. Rappelons que la consolidation désigne le moment où les lésions de la victime sont fixées et ont pris un caractère permanent.

Toutefois, malgré un changement de définition, l’indemnisation de ce poste de préjudice fait toujours l’objet de nombreuses critiques doctrinales, puisque ses modalités de calcul n’ont pas été calquées sur cette nouvelle définition. Ainsi, la méthode de calcul utilisée lors de l’expertise médicale ne permet d’indemniser que la composante « incapacité » du déficit fonctionnel permanent et laisse complètement de côté l’indemnisation de la douleur permanente ressentie après consolidation ainsi que la perte de qualité de vie et les troubles ressentis dans les conditions d’existence.

Il appartient donc au juge de tenir compte, lors de l’indemnisation, de la façon dont les victimes ressentent in concreto les atteintes subies. Or, il est important de rappeler que les juges se fondent sur la méthode dite « du point », issue du référentiel MORNET de 2021, pour calculer l’indemnité due. Cette méthode consiste, au moyen d’un tableau, à multiplier le nombre de points d’incapacité calculé par l’expert, par une valeur déterminée en fonction de l’âge de la victime.

On comprend alors aisément les critiques adressées à cette méthode de calcul, qui ne laisse que peu de place à une individualisation de la réparation. En effet, cette méthode ne permet pas de prendre en compte dans la fixation du taux d’incapacité de la victime, les éventuelles douleurs apparues après la consolidation de son état. A cet égard, certains auteurs estiment que : « Dans la mesure où le déficit fonctionnel permanent combine maintenant trois postes de préjudices, on ne peut plus se contenter du calcul du point à moins de réévaluer sérieusement lesdites valeurs du point » (« Le déficit fonctionnel permanent : une trinité », C. Bernfeld et F. Bibal, Gazette du Palais, 3 décembre 2011).

En tout état de cause, il semble absolument nécessaire de repenser l’indemnisation de ce préjudice, afin de garantir la réparation intégrale du déficit fonctionnel permanent des victimes. Dans cet objectif, certains juges consciencieux tentent d’appliquer des méthodes alternatives. L’une des solutions retenues consiste à verser une première indemnité journalière, déterminée sur la base de l’espérance de vie de la victime au moment de la consolidation de son état. Dans un second temps, cette indemnité sera majorée en fonction de l’importance des douleurs ressenties par la victime, de l’atteinte à sa qualité de vie et des troubles dans ses conditions d’existence (CA Caen, 1ère Ch., 14 mai 2019, n°16/02281).

Cette méthode, qui est d’ailleurs préconisée par la doctrine, serait un bon moyen de corriger les inégalités générées par la méthode du point d’incapacité. Une intervention du législateur en ce sens semble donc nécessaire en vue d’améliorer l’indemnisation des victimes souffrant d’un déficit fonctionnel permanent et de la rendre plus juste.

Pauline FONLUPT